27 Jan Une protéine pour réparer le cœur atteint une nouvelle étape
Des études précliniques suggèrent qu’une protéine, l’agrine, pourrait limiter les cicatrices et favoriser les mécanismes de réparation naturels après une crise cardiaque.
Images informatisées de cœurs de porcs après une crise cardiaque. Le volume de tissu cicatriciel (en noir) est significativement plus élevé chez un porc non traité (à gauche) que chez un porc ayant reçu une dose simple (au centre) ou double (à droite) d‘agrine
Les maladies cardiaques sont la première cause de mortalité dans le monde, devant tous les cancers réunis. L’une des plus grandes difficultés dans la création de nouvelles thérapies repose sur le transfert des découvertes faites chez les animaux comme les souris vers un traitement fonctionnant chez l’homme. Cet écart peut être comblé par des expérimentations sur des porcs dont le cœur bat à un rythme proche de celui des humains et offre un modèle fidèle de la fonction cardiovasculaire humaine, que ce soit en termes de taille ou de physiologie.
Des chercheurs de l’Institut Weizmann des Sciences, en collaboration étroite avec une équipe de l’Université technique de Munich, ont montré que l’agrine, protéine jusqu’ici connue pour renouveler les tissus cardiaques endommagés chez les souris, favorise la réparation du cœur chez les porcs. Les chercheurs ont aussi clarifié les mécanismes d’action de l’agrine qui s’avèrent similaires chez les souris et les cochons, indiquant qu’elle fonctionne peut-être de la même façon chez tous les mammifères, et donc chez l’homme. Ces découvertes suggèrent que l’agrine pourrait être une thérapie efficace après une crise cardiaque, favorisant la réparation du cœur et aidant à empêcher une insuffisance cardiaque chronique.
L’agrine est naturellement présente dans les cellules de soutien du cœur chez les fœtus de la souris ou de l’homme et dans le cœur de jeunes souriceaux – ce qui suggère, lorsque la régénération est possible, qu’elle peut jouer un rôle dans la régénération du muscle cardiaque. En effet, lors d’une étude précédente, une équipe dirigée par le professeur Eldad Tzahor du département de biologie cellulaire et moléculaire de l’Institut Weizmann a découvert que l’agrine « débloquait » un processus de régénération du cœur blessé d’une souris. Afin de tester si cette protéine pourrait aider à soigner des cœurs humains, le professeur Tzahor a établi une collaboration avec le professeur Christian Kupatt de l’Université technique de Munich afin d’étudier l’efficacité de l’agrine chez le porc.
Professeur Eldad Tzahor
Le docteur Kfir Baruch Umansky, stagiaire senior, a dirigé l’étude au cours de laquelle les chercheurs ont administré une forme synthétique de l’agrine humaine à des cœurs de porcs ayant été blessés afin de simuler une crise cardiaque. En travaillant avec l’équipe du professeur Kupatt dans des conditions hospitalières – et en utilisant des protocoles et outils cliniques correspondant aux traitements administrés à des patients – le docteur Umansky et ses collègues ont montré qu’une seule dose d’agrine réduisait les cicatrices et améliorait la fonction cardiaque après une blessure. La capacité de pompage du cœur, mesurée par le volume de sang éjecté à chaque battement, était améliorée de façon significative. De plus, le traitement à l’agrine empêchait l’augmentation de la pression dans la cavité de pompage principale du cœur, qui augmente après une crise cardiaque car un cœur blessé devient rigide et moins efficace pour pomper le sang. Puisque ce paramètre est un indicateur de risque ultérieur d’insuffisance cardiaque, les chercheurs proposent que l’agrine serve de thérapie préventive contre cette complication majeure de la crise cardiaque.
En se concentrant plus précisément sur le fonctionnement de l’agrine, les chercheurs ont découvert qu’elle provoque un grand nombre de processus de réparation, chez les souris comme chez les porcs, ce qui est probablement la raison pour laquelle une seule dose de cette protéine produit des effets puissants perdurant jusqu’à un mois après le traitement. La protéine déclenche une prolifération modérée de cellules musculaires cardiaques, qui ne se divisent pas en temps normal, et surtout elle les empêche de mourir, en particulier en bordure de la zone endommagée, empêchant ainsi l’extension du tissu cicatriciel. De plus, l’agrine altère positivement la réponse immunitaire au sein du muscle cardiaque : elle réduit l’inflammation en réduisant l’activation de cellules immunitaires appelées macrophages qui sont responsables de la libération précoce de substances inflammatoires. Les scientifiques ont également découvert que l’agrine protège les vaisseaux sanguins préexistants du muscle cardiaque et stimule la croissance de nouveaux vaisseaux.
Au cours de cette étude, la méthode la plus efficace pour fournir de l’agrine au cœur de porcs blessés était de l’injecter dans l’artère coronaire en utilisant le même type de cathéter que ceux généralement utilisés au cours d’une angioplastie pour élargir les artères obstruées. Cela suggère que les patients subissant une angioplastie pourraient recevoir une dose d’agrine au même moment.
L’efficacité de l’agrine sur des animaux aussi gros que des porcs, couplée à sa facilité d’administration, pourrait ouvrir la voie à son utilisation chez des patients humains. Les cicatrices et une baisse de la fonction cardiaque sont courantes après une crise cardiaque et les découvertes de cette étude suggèrent que nous aurions finalement un moyen de limiter voire d’inverser les dommages, améliorant les conséquences d’une crise cardiaque et évitant peut-être leurs complications.
« La route qui mène de la recherche fondamentale aux essais cliniques est longue et souvent sinueuse, et notre étude sur les porcs est une étape critique dans cette direction, » dit le professeur Tzahor. Cette étude a été rendue possible en partie par un nouveau programme qui cherche à créer un pont entre les découvertes prometteuses de la science fondamentale dans l’Institut et les applications commerciales. Appelé IDEA (de l’anglais « Innovation, Development, Enhancement and Acceleration », soit « Innovation, Développement, Amélioration et Accélération »), ce programme est une initiative de Yeda, la branche de transfert technologique de l’Institut Weizmann.
D’autres personnes ont participé à cette étude : le docteur Elad Bassat, le docteur David Kain et Renee Cohen-Rabi du département biologie moléculaire et cellulaire de l’Institut Weizmann, le docteur Andrea Baehr, Victoria Jurisch, le docteur Katharina Klett, le docteur Tarik Bozoglu, le docteur Nadja Hornaschewitz, le professeur Karl Ludwig Laugwitz et le docteur Rabea Hinkel de l’Université technique de Munich, le docteur Olga Solyanik, le docteur Nartolo Ferrero, le docteur Clemens Cyran et le professeur Oliver Soehnlein de l’Université Maximilan Ludwig de Munich et le docteur Markus Krane du Centre allemand pour le cœur de Munich.
Le professeur Eldad Tzahor dirige le Centre de recherche Yad Abraham pour le diagnostic et la thérapie pour le cancer . Ses recherches sont aussi financées par le STEM Leadership Program, le fonds de dotation du docteur Dvora et d’Haim Teitelbaum et Pearl C. Vapnek.