07 Oct Ce que connait le cœur du poisson
Des chercheurs découvrent un secret transparent pour la réparation du cœur.
Quand le cœur se répare après une blessure, le sang circulant dans ses vaisseaux est essentiel. Mais la lymphe – un fluide incolore – et les vaisseaux lymphatiques dans lesquels elle circule sont aussi indispensables selon des chercheurs de l’Institut Weizmann des Sciences. Ceux-ci ont montré que sans réseau de vaisseaux lymphatiques adéquat, le cœur du poisson zèbre – qui, en temps normal, peut se régénérer entièrement après une blessure – n’arrive pas à se soigner, même en présence de vaisseaux sanguins. Les chercheurs ont également identifié deux types distincts de vaisseaux lymphatiques dans le cœur de ce poisson. Formés par des mécanismes distincts, ils accomplissent des tâches différentes. Ces découvertes pourraient aider à développer de nouvelles méthodes favorisant la réparation cardiaque et facilitant la croissance d’organes pour les transplantations.
Le réseau de vaisseaux lymphatiques du corps sert de canalisation pour les cellules immunitaires et les fluides de drainage, tout en rendant des services particuliers à de nombreux organes. Le professeur Karina Yaniv, du département de régulation biologique, et son équipe voulaient en savoir plus sur le rôle des vaisseaux lymphatiques pour le cœur, en particulier suite à une blessure. Les poissons zèbres sont parfaits pour explorer cette question car, contrairement aux mammifères, leur cœur possède une capacité de régénération remarquable : environ deux mois après une blessure, plus d’un tiers des tissus de leur cœur peut se régénérer sans cicatrice. En revanche, le cœur blessé d’un mammifère ne se régénère pas du tout naturellement et forme un tissu cicatriciel au niveau de la blessure.
(de gauche à droite) Professeur Karina Yaniv et Gal Perlmoter
Lors de précédentes recherches, le professeur Yaniv et ses collègues avaient montré que, dans l’embryon du poisson zèbre, les vaisseaux lymphatiques se formaient selon deux procédés distincts : soit en bourgeonnant et grandissant à partir de vaisseaux préexistants, soit en se différenciant à partir de cellules souches appelées angioblastes. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont découvert que chez le poisson zèbre adulte, ces deux mécanismes entrent également en jeu. En outre, chaque ensemble de vaisseaux lymphatiques présente ses propres marqueurs génétiques et répond à ses propres signaux moléculaires. Les scientifiques ont découvert que ces deux types de vaisseaux lymphatiques sont également présents dans le cœur des souris, indiquant que les mécanismes hétérogènes par lesquels ils se développent ont été conservés au cours de l’évolution.
Les chercheurs se sont ensuite demandé si les deux types de vaisseaux jouaient un rôle dans la régénération. Après avoir blessé les cœurs de poissons zèbres, le professeur Yaniv et son équipe ont découvert que la zone de régénération des cœurs contenait des vaisseaux lymphatiques d’un seul type : celui dérivé de cellules lymphatiques isolées fusionnées en vaisseaux plutôt que de vaisseaux lymphatiques préexistants. Bien que ces nouveaux vaisseaux finissent par se connecter aux plus grands vaisseaux lymphatiques appartenant à l’autre type, ils restent distincts. Ainsi, les expériences ont révélé que les deux types de vaisseaux lymphatiques possédaient des fonctions différentes dans le cœur. Elles ont aussi mis en évidence que ce sont principalement les vaisseaux dérivés de cellules souches qui contribuent à la régénération du cœur après une blessure.
Docteur Dana Gancz
Les chercheurs ont ensuite montré qu’en fait, ces cellules lymphatiques font plus que faciliter la régénération du cœur : ce processus ne peut pas s’exécuter sans elles. En effet, quand les scientifiques ont étudié des poissons zèbres mutants sans vaisseaux lymphatiques, les cœurs de ces mutants n’ont pas réussi à se régénérer après une blessure même si leurs vaisseaux sanguins étaient parfaitement normaux.
« Nous avons montré que le système lymphatique joue un rôle crucial dans la régénération du cœur chez le poisson zèbre, » dit le professeur Yaniv. « En précisant ce rôle, nous pourrions apprendre ce que le cœur de ces poissons sait faire pour la régénération, que les mammifères ne parviennent pas à accomplir et utiliser cette connaissance pour soigner des cœurs humains. »
Coupe transversale de cœurs de poissons zèbres 30 jours après avoir été blessés. La zone blessée (pointée par la flèche) se régénère sans former de cicatrice chez le poisson avec des vaisseaux lymphatiques (à gauche) mais pas chez le poisson mutant n’en possédant pas (à droite)
Une compréhension plus approfondie de ce rôle pourrait aider à développer de nouvelles méthodes permettant d’empêcher la formation d’une cicatrice et favoriser la guérison après une attaque cardiaque ou toute autre blessure du muscle cardiaque. De plus, savoir exactement comment le système lymphatique contribue à la croissance du muscle cardiaque pourrait, dans le futur, aider à faire croître du tissu cardiaque en laboratoire pour une transplantation.
Différents auteurs ont contribué à cette étude : le docteur Dana Gancz, Gal Perlmoter, le docteur Jonathan Semo, Hila Raviv et Noga Moshe du département de régulation biologique ; Brian C Raftrey et le professeur Kristy Red-Horse de l’Université de Stanford ; le docteur Rubén Marín-Juez, le professeur Ryota L. Matsuoka et le professeur Didier Y. R. Stainier de l’Institut Max Planck pour la recherche sur le cœur et les poumons, Bad Nauheim, Allemagne ; le docteur. Ravi Karra et le professeur Kenneth D. Poss de l’Université de Duke ; et le docteur Yoseph Addadi et Ofra Golani des plateformes techniques du département des sciences de la vie de l’Institut Weizmann des Sciences.
Les recherches du professeur Karina Yaniv sont financées par le fonds de dotation pour la biologie Maurice et Vivienne Wohl, la succession Emile Mimran et le conseil européen pour la recherche. Le professeur Yaniv est détentrice de la chaire professorale Enid Barden et Aharon J. Jade en mémoire de Canter John Y. Jade.