Dans les bois

Le travail du docteur Rafat Qubaja sur les arbres du campus montre que même de petits bosquets peuvent aider à atténuer les changements climatiques.

docteur Rafat Qubaja
Le docteur Rafat Qubaja n’avait jamais pensé étudier en Israël

Pour un grand nombre d’entre-nous – les centaines de millions de personnes confinées dans les villes pendant l’épidémie du coronavirus – les parcs et les jardins publics étaient inaccessibles. Mais notre perte pourrait leur avoir été bénéfique, dit le docteur Rafat Qubaja. Même le plus petit bosquet urbain a bénéficié de la baisse des températures moyennes, de la diminution de la pollution de l’air et de davantage d’ombre. Rafat Qubaja a récemment obtenu son doctorat ; il vit à Tarqumiyah, en Palestine. Il se souvient de sa première déambulation dans l’un des vergers de l’Institut Weizmann des Sciences. Traînant derrière lui des équipements pour mesurer avec une grande précision l’interaction des arbres avec leur environnement, il ne se doutait pas que ses recherches finiraient par révéler comment même les bosquets urbains pouvaient jouer un rôle dans l’atténuation des changements climatiques.

Les vergers semi-urbains de l’Institut Weizmann des Sciences couvrent environ dix dounam (un hectare) et comprennent des citronniers plantés dans les années 1970 dans les sols rouges sablonneux de l’Institut. Le docteur Qubaja fait partie de l’équipe de recherche du professeur Dan Yakir du département de planétologie et géologie de l’Institut et sa mission initiale était la mesure détaillée des dépenses et recettes en eau et en carbone qui composent le « budget » des arbres. Le système de mesure du docteur Qubaja était concentré sur le suivi des échanges d’eau et de carbone entre l’air et les feuilles dans l’atmosphère autour et au-dessus des arbres. Les découvertes de cette étude ont notamment montré que les bosquets non commerciaux d’agrumes comme ceux de l’Institut – avec un minimum d’irrigation – peuvent absorber environ 65 kilos de carbone par dounam et par an.


Portes ouvertes

Le travail du docteur Rafat Qubaja
Le docteur Qubaja et sa famille à la plage pour la première fois. Ils vivent en Palestine et le docteur Qubaja fait quotidiennement le trajet jusqu’à Rehovot

Quand Rafat Qubaja a obtenu son master en hydrologie et aérologie à l’Université Al-Quds, à Jérusalem Est, il n’avait pas envisagé une seule seconde de continuer ses études en Israël. « Mon rêve était d’être chercheur, » dit-il. « Et j’étais un peu désespéré ; j’aurais pu obtenir des bourses de nombreux instituts autour du monde, mais un salaire de doctorant n’aurait pas suffi pour faire déménager ma famille. C’est le professeur Shlomo Nir de l’Université hébraïque de Jérusalem qui, connaissant mon travail, m’a demandé : ‘ Pourquoi n’envisages-tu pas d’étudier en Israël ? ‘ ». Rafat Qubaja, 42 ans et père de quatre enfants, admet qu’il a d’abord hésité. Après avoir été accepté par de nombreux programmes de doctorat en Israël, c’est encore une fois le professeur Nir qui lui a conseillé de rejoindre l’équipe du professeur Yakir à l’Institut Weizmann. « Le professeur Nir m’a donné deux conseils qui m’ont bien aiguillé, » dit Rafat Qubaja.

Cependant, sa première année s’est avérée difficile : « J’espérais que ma famille pourrait déménager en Israël, au moins à temps partiel, et que mes enfants pourraient bénéficier des avantages de l’Institut. Mais ils n’ont pas obtenu le visa de résident, rendant cela impossible, » dit-il. Le docteur Qubaja partage donc son temps entre Tarqumiyah et Rehovot, dormant parfois dans une des chambres du campus pendant la semaine et rentrant voir sa famille le weekend. Mais la plupart du temps, il fait l’aller-retour dans la journée – un trajet de 80 kilomètres qui peut prendre trois heures. Tout d’abord, il prend un taxi qui l’amène à la frontière près d’Hébron. Traverser la frontière peut prendre entre dix minutes et plus d’une heure selon les jours. Il rejoint ensuite les ouvriers palestiniens qui se rendent à Kiryat Gat  d’où il prend un bus pour Rehovot. « Je n’aurais pas pu supporter les difficultés du trajet sans le soutien du professeur Yakir, » dit-il, « et de l’équipe du laboratoire. Ils sont comme des frères et sœurs pour moi, beaucoup plus que des collègues, » ajoute-t-il. « Quand je restais à l’Institut, ils s’assuraient que ma chambre contenait tout ce dont j’avais besoin, du matelas jusqu’aux ustensiles de cuisine. ».

Le docteur Qubaja est l’auteur principal de quatre articles récemment publiés dans des journaux scientifiques de renom. Ils se basent sur des mesures de la station de recherche unique gérée par l’équipe du professeur Yakir dans la forêt Yatir du Néguev. Dans cette étude, les scientifiques se sont notamment demandé comment les forêts semi-arides de pins  comme celle de Yatir absorbent et stockent le dioxyde de carbone (gaz carbonique) atmosphérique qui contribue au changement climatique. Dans l’un de ces articles, le docteur Qubaja et l’équipe de recherche ont découvert que les forêts des régions semi-arides qui sont soumises à la sécheresses l’été peuvent se protéger de la déshydratation en absorbant l’humidité de l’atmosphère. Il s’avère que cette stratégie de survie rend ces arbres particulièrement efficaces pour absorber et stocker le dioxyde de carbone atmosphérique. Contrairement aux forêts des régions plus humides, ces forêts tendent à stocker plus de carbone en sous-sol (environ 70%) et celui-ci y reste également plus longtemps (59 ans en moyenne contre 18 ans dans les forêts des régions tempérées). Environ 18% de la masse terrestre de la Terre est semi-aride et si 20% de celle-ci était boisée, elle piègerait et stockerait un milliard de tonnes de carbone par an. « Cela ne serait peut-être pas assez pour sauver la planète, mais contribuerait significativement à l’atténuation des changements climatiques, » dit-il.

« Quand j’ai commencé mes études, je ne connaissais aucun autre étudiant de Palestine faisant ses études en Israël, » dit le docteur Qubaja. « Maintenant, j’en connais trois ou quatre, dans mon seul cercle familial étendu ; une cousine termine actuellement son master à l’Université de Tel Aviv. Quand ils me demandent conseil, je leur dis de ne pas croire ce qu’ils voient à la télévision. Aucune porte ne m’a été fermée et j’ai toujours vécu en confiance avec les gens ici. Dans ces conditions, pourquoi aller jusqu’au Canada alors que la science est à deux pas ? ».

Les recherches du professeur Dan Yakir sont financées par le Centre pour l’étude des sciences environnementales de la famille Sussman, le Programme pour les sciences environnementales Cathy Wills et Robert Lewis, Dana et Yossie Hollander et le fonds Raymond Lapon.



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