14 Sep La diversité cellulaire pourrait expliquer pourquoi le cancer du cerveau est si dur à Traiter
Quand les cellules changent leur identité, elles peuvent esquiver la thérapie.
Des échantillons de tissus de glioblastomes (tumeurs cérébrales malignes) présentant deux stades cellulaires (marqueurs rouges et bleus)
Le glioblastome, un cancer du cerveau incurable, est un maître de la diversité. Non seulement les tumeurs diffèrent d’un patient à l’autre, mais les cellules de chaque tumeur sont également très différentes les unes des autres. Dans une étude récemment publiée dans Cell, les chercheurs de l’Institut Weizmann des Sciences, en collaboration avec des chercheurs et médecins de Boston, ont découvert que les cellules des glioblastomes présentent quatre « états » ou sous-types et – comme si cela n’était pas suffisant – peuvent passer d’un état à un autre.
Ces découvertes pourraient aider à expliquer pourquoi le glioblastome est si difficile à traiter et montrent la voie pour développer de nouvelles thérapies.
« Si aucune thérapie n’a fonctionné jusqu’ici contre les glioblastomes, c’est peut-être que chaque médicament ne tue qu’un sous-type de cellule tumorale, laissant les autres indemnes, » dit le docteur Itay Tirosh du département de biologie cellulaire et moléculaire de l’Institut Weizmann. Il a dirigé l’équipe de recherche avec le Professeur Mario L. Suvà, du Massachusetts General Hospital (MGH) et du Broad Institute. « Pour qu’une future thérapie soit efficace, elle devra s’attaquer aux quatre états cellulaires que nous avons identifiés. » Cette étude a été codirigée par Julie Laffy de l’Institut Weizmann, Cyril Neftel et Mariella Filbin du MGH, et Toshiro Hara de l’Institut Salk pour les études biologiques (La Jolla, Californie).
Les scientifiques savent déjà depuis longtemps que les tumeurs cancéreuses, en particulier les glioblastomes, contiennent différents types de cellules ; mais les outils existants permettaient d’obtenir uniquement des informations générales sur l’expression moyenne des gènes dans un échantillon tissulaire, mais pas sur l’expression des gènes dans chaque cellule. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont utilisé une technologie avancée appelée le séquençage d’ARN mono-cellulaire qui – comme son nom l’indique – apporte des informations sur l’expression des gènes dans les cellules individuelles.
Julie Laffy et le docteur Itay Tirosh
Les chercheurs ont obtenu des échantillons de tumeurs provenant de 28 patients atteints de glioblastomes – 20 adultes et 8 enfants – et ont créé des profils d’expression génique pour près de 24.000 cellules tumorales. En utilisant des algorithmes particuliers, ils ont été capables de corréler les chemins d’expression des gènes avec la division cellulaire et d’autres activités cellulaires normales et anormales. Cette analyse a permis aux scientifiques d’identifier quatre différents sous-types de cellules (« états »), chacun caractérisé par son propre programme d’activation des gènes. L’origine d’un de ces programmes reste inconnue mais les trois autres sont généralement utilisés par les cellules lors du développement du cerveau – deux d’entre eux sont plus précisément utilisés lors de la différenciation des cellules souches en différents types de cellules matures.
« Les cellules cancéreuses piratent les programmes d’activation des cellules à l’état de croissance et de développement, et ce sont ces programmes piratés qui dirigent la croissance des tumeurs, » dit le docteur Tirosh.
Pendant cette étude, certaines cellules ont exprimé simultanément les programmes appartenant à deux états cellulaires ; les chercheurs ont donc émis l’hypothèse que ces cellules étaient en phase de transition d’un état vers un autre. Ils ont conçu de nombreuses expériences afin de valider cette idée. Dans une de ces expériences, ils ont associé un « code-barre » aux cellules de glioblastome de souris et les ont suivies au fil du temps, démontrant ainsi que les cellules tumorales changeaient bien d’état cellulaire. Dans une autre expérience, ils ont implanté des cellules de glioblastome provenant de patients humains atteints d’un cancer dans des souris. Bien que ces cellules aient été dans un état particulier, elles se sont ensuite développées en tumeurs présentant tout le spectre des états cellulaires observés dans le cancer original. En d’autres termes, les cellules de glioblastome changent d’identité au fil du temps.
Quatre états, ou sous-types, de cellules de glioblastome sont représentés par des points sur la figure : chaque coin reflète un état cellulaire différent. Les couleurs correspondent aux degrés de division cellulaire : elles partent du noir (pour les cellules qui prolifèrent le moins) au rouge (pour celles qui prolifèrent le plus)
Bien que toutes les tumeurs de cette étude contiennent plus d’un état cellulaire – la plupart contenaient même les quatre – un des états était généralement plus fréquent que les autres. Les scientifiques ont découvert que cela était lié aux mutations génétiques trouvées dans chaque tumeur. Ils ont analysé les données des glioblastomes contenues dans une grande base de données, l’Atlas du génome du cancer, et ont identifié les mutations génétiques les plus communes pour chaque état cellulaire.
La caractérisation précise des glioblastomes fournie par cette étude indique la voie pour que les futures thérapies s’attaquent à tous les sous-types de tumeurs, après avoir déterminé comment chaque sous-type répond aux médicaments. Les découvertes de cette étude pourraient aussi être utilisés pour caractériser les sous-types présents dans d’autres cancers.
Les recherches du docteur Itay Tirosh sont financées par la Fondation Rising Tide ; la subvention Mexican Friend New Generation ; la Fondation Abisch Frenkel pour la Promotion des Sciences de la vie ; le programme de leadership Zuckerman STEM ; le fonds A.M.N. pour la promotion des Sciences, de la Culture et de l’Art en Israël ; et la succession docteur David Levinson. Le docteur Tirosh est détenteur de la Chaire Celia Zwillenberg-Fridman et Lutz Zwillenberg pour le Développement de carrière.