Vaccins oraux : nouvelles méthodes de développement

Seuls quelques vaccins, par exemple ceux contre la polio et le rotavirus, peuvent être administrés par voie orale. La plupart des vaccins doivent être administrés par injection. Les chercheurs de l’Institut Weizmann des Sciences suggèrent que cela pourrait être dû en partie au fait que le programme d’entrainement des cellules immunitaires de l’intestin se déroule dans des conditions difficiles. Le Dr Ziv Shulman et l’étudiant de troisième cycle Adi Biram ont étudié ce processus pour les cellules intestinales impliquées dans l’immunité à long terme, en utilisant une nouvelle méthode d’imagerie qui capture toutes les niches des cellules immunitaires dans un organe défini. Leurs résultats ouvrent de nouvelles perspectives qui pourraient, à l’avenir, conduire à la conception de vaccins oraux plus efficaces. 

La protection efficace et durable que nous attendons d’un vaccin provient de la réponse de cellules immunitaires appelées cellules B. Chacune de ces cellules immunitaires sécrète une seule espèce de molécules d’anticorps qui se lient à une cible spécifique. Après l’exposition à un vaccin ou à un agent pathogène invasif, un programme de préparation sélectionne les cellules B dont les anticorps sont les plus aptes à affronter la menace, admettant ceux-ci dans des niches d’entraînement spéciales situées dans les ganglions lymphatiques. Là, ces cellules subissent une série de divisions et de mutations jusqu’à obtention d’un pool de cellules bien peaufinées pour la production d’anticorps « à haute affinité » ; ces cellules persistent dans le corps, garantissant une immunité même contre de futures expositions à cette menace spécifique. 

Shulman, qui appartient au département d’immunologie de l’Institut, a étudié ce processus dans les ganglions lymphatiques présents dans presque tous les tissus périphériques du corps. Mais les organes lymphoïdes dans les intestins, en plus d’être le siège de l’entraînement des cellules B contre les maladies pathogènes, contrôlent également les bactéries de l’intestin, et il est difficile d’observer séparément ces deux fonctions. De plus, les niches immunitaires spécialisées situées dans les organes sont si petites et bien cachées qu’il est difficile de les étudier avec les méthodes standard. Lui et Biram ont mis au point une façon de prélever et de générer des images des organes lymphoïdes de l’intestin, en empruntant la méthode dite du « cerveau clair » de la neurobiologie dans laquelle le tissu est rendu transparent et l’organe est ensuite visualisé au moyen de l’outil standard de microscopie de fluorescence à feuille de lumière. Selon Biram, cette méthode leur a permis de saisir toutes les niches immunitaires d’un organe entier et d’étudier comment ces compartiments contribuent à la réponse immunitaire émergente.  

Les chercheurs ont ensuite analysé les organes lymphoïdes de l’intestin d’une souris immunisée par voie orale. 

« Nous avons constaté que le fonctionnement des organes lymphoïdes de l’intestin répondait à des règles différentes de celles du système lymphatique périphérique », explique Shulman. En fait, le système lymphatique intestinal ne recueille pas les antigènes par drainage tissulaire, comme cela se produit dans les ganglions lymphatiques périphériques, mais plutôt par absorption active de particules de vaccin ou de pathogènes provenant de l’intérieur de l’intestin. Et si le système périphérique est un système « capitaliste » qui vise à sélectionner et à produire rapidement les anticorps les plus efficaces, le système intestinal fonctionne selon un principe plus « socialiste », du moins au début. C’est-à-dire que les cellules produisant des anticorps d’un quelconque niveau d’affinité sont autorisées à se diviser et à sécréter des anticorps en réponse à la menace durant la phase de réponse précoce. Ce n’est que plus tard que certaines cellules ayant une plus grande affinité sont admises à l’entraînement pour s’améliorer encore. 

Le groupe a ensuite utilisé sa méthode pour observer ensemble les cellules B provenant de la lymphe intestinale et les cellules « entraineuses » qui sélectionnent les variantes à haute affinité. Ils ont découvert que ces cellules entraineuses interagissent physiquement avec les cellules B dans des petites niches, tout comme elles le font dans les ganglions lymphatiques périphériques. En d’autres termes, le « manuel d’entrainement » était là et ouvert à la bonne page. Cependant, contrairement au cas des ganglions lymphatiques périphériques, les entraineurs de l’intestin semblaient ne pas disposer d’une information cruciale : ils étaient incapables de faire la distinction entre les anticorps de forte et de faible affinité. 

Les chercheurs ont pensé que cette limitation pourrait tenir à l’environnement complexe dans lequel fonctionnent les organes lymphatiques : ils sont exposés à d’immenses quantités d’antigènes provenant des bactéries intestinales qui sont présentes en permanence. Dans ce contexte, les antigènes fournis dans un vaccin seraient perdus dans la foule, dilués au point qu’il serait impossible de sélectionner des cellules B sur la base de leur affinité pour les anticorps. Lorsque les chercheurs ont augmenté artificiellement l’antigène dans l’intestin de la souris, ils ont été en mesure de réactiver le programme d’entrainement pour la sélection des cellules B les mieux adaptées. 

« La réponse anticorps dans l’intestin se déroule en deux étapes. La première est une réaction maximale du type « faisons de notre mieux avec ce que nous avons ». À ce stade, la sélection basée sur l’affinité est retardée et il y a production simultanée d’anticorps à faible et forte affinité. À la deuxième étape, les cellules immunitaires doivent, pour subir un entraînement améliorant leur affinité, se loger dans des niches où les antigènes appropriés se sont accumulés au fil du temps. Contrairement au cas du système lymphatique périphérique, les taux d’antigènes vaccinaux dans les niches intestinales de cellules immunitaires sont généralement trop faibles pour stimuler une production efficace d’anticorps », explique Shulman. 

Shulman et Biram affirment que des recherches plus poussées sur les règles régissant les organes lymphoïdes de l’intestin pourraient amener à de nouvelles méthodes de ciblage des antigènes et de recrutement de cellules B dans les programmes d’entrainement pour amélioration de l’affinité, permettant ainsi la mise au point de nouveaux ou de meilleurs vaccins oraux.

La recherche du Dr Ziv Shulman bénéficie du soutien du Morris Kahn Institute for Human Immunology, du Moross Integrated Cancer Center, du Sir Charles Clore Research Prize, de la Rising Tide Foundation, de l’Azrieli Foundation, de l’Irma and Jacques Ber-Lehmsdorf Foundation, de la Gerald O. Mann Charitable Foundation et du David M. Polen Charitable Trust.



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