07 Juin Comment Réduire les Ondes de Choc dans les Expériences de Faisceau Quantique
L’ingénierie aéronautique apporte la réponse
Une expérience de faisceau froid révèle des ondes de chocs provenant des bords du skimmer et interférant avec le faisceau
Les petits « skimmers » en forme de cônes utilisés dans les études expérimentales de phénomènes chimico-quantiques exotiques ressemblent aux systèmes d’admission dans les moteurs d’avion, et ils ont des fonctions similaires : ils dirigent tous deux le flux de gaz – le système d’admission du moteur contrôle l’alimentation en air pour brûler le carburant, et le « skimmer » crée des faisceaux d’atomes ou de molécules volants et froids. Pendant des dizaines d’années, les skimmers étaient des composants nécessaires dans les expériences sur les atomes et les faisceaux de molécules, mais on savait aussi qu’ils imposent une limite fondamentale au nombre de particules qu’on pouvait regrouper dans un faisceau. Cependant, le Professeur Edvardas Narevicius et son équipe du Département de Physique Chimie de l’Institut Weizmann des Sciences ont découvert une façon simple de dépasser cette limite.
Les expériences de faisceaux froids sont menées dans des laboratoires partout dans le monde afin d’observer le comportement quantique des atomes et des molécules – comme par exemple, des vagues qui interfèrent avec d’autres. Mélanger des faisceaux, comme le Professeur Narevicius et son groupe le font dans leur laboratoire, crée de nouvelles réactions chimiques très intéressantes.
Une simulation basée sur des modèles utilisés par les ingénieurs en aérospatiale révèle l’existence d’ondes de choc dans les faisceaux induites par des interactions avec les skimmers « chauds »
Le Professeur Narevicius explique que le refroidissement extrême nécessaire pour de telles expériences – proche du zéro absolu – est atteint en faisant diffuser un gaz d’atomes et de molécules à travers un petit orifice dans une chambre sous vide, passant ainsi d’une haute pression à une pression proche de zéro. Les atomes de l’expérience se dispersent, formant un nuage très froid d’atomes qui se déplacent très rapidement. Les skimmers sont utilisés pour regrouper certains de ces atomes en un faisceau. « On pourrait penser, » dit le Professeur Narevicius, « que si le gaz dans le réservoir était à une plus haute pression, et relâchait ainsi plus d’atomes à la fois dans la chambre sous vide, le faisceau résultant serait plus dense. Mais ce n’est pas le cas. Au-dessus d’une certaine pression, les niveaux de densité atteignent un plafond. Les chercheurs ne savaient pas comment dépasser cette limite qui rendait impossible de nombreuses expériences intéressantes. »
Le Professeur Edvardas Narevicius
« C’était un problème parfait pour mon étudiant, Yair Segev, » ajoute le Professeur Narevicius. Yair Segev est arrivé à l’Institut Weizmann avec des compétences en technologie aérospatiale et en physique. En se basant sur un algorithme utilisé par les ingénieurs en aérospatiale pour modéliser les flux élevés dans l’atmosphère, il a créé des simulations de flux de particules dans les skimmers. Ces simulations ont révélé l’existence d’ondes de choc dans les cônes des skimmers, qui bloquent l’entrée de nouvelles dans le faisceau. Ce phénomène provient d’interactions entre les particules du faisceau et le cône : les particules rebondissent sur le skimmer à une vitesse élevée, entrant en collision et interrompant le flux du faisceau. La grande vitesse de réflexion provient de la surface « chaude » (c’est-à-dire, à température ambiante) du skimmer, ce qui a conduit Yair Segev à refaire la simulation avec des skimmers refroidis. Les résultats montrent une réduction significative des ondes de choc, et une très forte augmentation de l’intensité des faisceaux en sortie.
Quand la température du skimmer est abaissée, l’intensité du faisceau augmente. Des impulsions de décharges permettent aux chercheurs de visualiser la densité du faisceau
L’équipe a ensuite entrepris des expériences avec des faisceaux moléculaires différents, refroidissant leurs skimmers à des températures de plus en plus basses. En réalisant des tests avec du néon et d’autres types de plasmas fluorescents, ils ont pu observer clairement les résultats en couleurs. Les chercheurs ont découvert que la forme des ondes de choc avait significativement changé et que la densité des faisceaux avait effectivement augmenté avec le refroidissement des skimmers, atteignant un maximum quand la température était inférieure à quelques dizaines de degrés au-dessus du zéro absolu – assez froid pour geler les atomes à l’extrémité du cône et ainsi permettre à ceux qui restent de circuler à travers « sans ressentir aucune perturbation provenant du skimmer », explique le Professeur Narevicius.
« Les ondes de choc dans et autour des skimmers s’avèrent être similaires à celles rencontrées par un vaisseau spatial quand il traverse la limite entre le vide de l’espace et la haute atmosphère, » dit Yair Segev. « Dans les deux cas, supprimer la chaleur transférée entre la surface et le gaz peut drastiquement changer la forme du flux. Dans le vaisseau spatial, nous voulons empêcher l’atmosphère de réchauffer la coque, tandis que dans nos expériences, nous voulons empêcher le skimmer de réchauffer nos faisceaux froids. »