30 Mar Atténuer l’activité cérébrale pour effacer les souvenirs traumatiques
Diminuer la communication entre deux parties du cerveau des souris réduirait leur niveau de peur
Parvenir à effacer des souvenirs indésirables fait encore partie de la science-fiction. Mais des scientifiques de l’Institut Weizmann des Sciences ont réussi à effacer un type de souvenir chez les souris. Dans une étude parue dans Nature Neuroscience, les chercheurs montrent qu’ils ont réussi à éteindre un mécanisme neuronal par le biais duquel les souvenirs liés à la peur sont créés dans le cerveau des souris. Après la manipulation, les souris ont retrouvé un comportement normal, « oubliant » ce qui les effrayait auparavant.
Cette étude pourrait un jour permettre le traitement des souvenirs traumatiques chez les humains – par exemple, chez les personnes en état de stress post-traumatique, ou ESPT. « Le cerveau crée facilement de nouveaux souvenirs quand ceux-ci sont associés à des émotions fortes, comme un plaisir ou une peur intenses. » dit le chef de l’équipe de recherche, le docteur Ofer Yizhar. « C’est pourquoi il est plus facile de se souvenir de choses qui comptent pour nous, qu’elles soient bonnes ou mauvaises ; mais c’est aussi la raison pour laquelle les souvenirs d’expériences traumatiques durent souvent extrêmement longtemps, et prédisposent les personnes à l’ESPT. »
Comment le cerveau intègre-t-il les émotions dans les souvenirs ?
Dans cette étude, les chercheurs ont tout d’abord utilisé un virus modifié génétiquement qui marque ceux des neurones de l’amygdale qui communiquent avec le cortex préfrontal. Puis, à l’aide d’un autre virus, ils ont inséré un gène codant une protéine sensible à la lumière dans ces neurones. Ainsi, quand ils dirigent une source lumineuse sur le cerveau, seuls les neurones contenant cette protéine sensible à la lumière sont activés. Ces manipulations, – qui sont du domaine de l’optogénétique, une technique particulièrement étudiée dans le laboratoire du docteur Yizhar – ont permis aux chercheurs d’activer uniquement les neurones de l’amygdale qui interagissent avec le cortex ; ils ont ensuite pu créer une carte des neurones corticaux recevant les informations envoyées par ces neurones rendus sensibles à la lumière.
Après avoir établi un contrôle précis des interactions cellulaires dans le cerveau, les chercheurs sont passés à une phase d’étude du comportement : les souris les moins craintives, sont plus susceptibles de s’aventurer plus loin que les autres. Les chercheurs ont découvert que quand les souris sont exposées à des stimuli induisant de la peur, une importante ligne de communication entre l’amygdale et le cortex préfrontal est alors activée. Les souris dont le cerveau abrite une telle connexion sont plus enclines à retenir un souvenir lié à la peur, et sont alors effrayées chaque fois qu’elles entendent un son précédemment associé à un stimulus de peur. Enfin, pour clarifier la façon dont cette ligne de communication contribue à la formation et au stockage de souvenirs, les scientifiques ont développé une technique optogénétique innovante permettant d’affaiblir la connexion entre l’amygdale et le cortex en utilisant une série d’impulsions lumineuses répétées. Ainsi, une fois la connexion affaiblie, les souris ne présentent plus aucune peur en entendant le son associé au stimulus. Apparemment, « stopper » le flux d’informations que l’amygdale envoie au cortex a déstabilisé voire peut-être même détruit leur souvenir de la peur.
Le docteur Yizhar ajoute : “notre étude s’est concentrée sur une question fondamentale des neurosciences : comment le cerveau intègre-t-il les émotions dans les souvenirs ? Mais un jour, nos découvertes pourraient aider à développer de meilleures thérapies, en agissant sur les connexions entre l’amygdale et le cortex préfrontal dans le but de calmer les symptômes des troubles liés à la peur et à l’anxiété. »
Cerveau entier, une image et une vidéo de CLARITY : Bianca Schmid, Institut Max Planck de Psychiatrie, Munich.
Les recherche du Docteur Ofer Yizhar sont financées par Jean-Charles Schwartz et Marc-Antoine Schwartz ; la Fondation Adelis ; Candice Appleton Family Trust ; Paul et Lucie Schwartz ; le laboratoire Georges and Vera Gersen. Le Docteur Yizhar est titulaire de la Chaire Gertrude and Philip Nollman Career Development.