Comment l'homme affecte le régime des vents dans l'hémisphère nord

Constatations houleuses et découvertes brûlantes

Comment l’homme affecte le régime des vents dans l’hémisphère nord.

L’été 2024 a été le plus chaud jamais enregistré, ce qui n’est malheureusement pas une surprise. Les étés sont de plus en plus chauds et secs dans le monde entier, y compris dans l’hémisphère nord, ce qui entraîne des sécheresses et des vagues de chaleur intenses en Amérique du Nord et en Europe et pose des risques graves pour la société, tels que les incendies de forêt, les mauvaises récoltes et les dangers pour la santé. Le problème vient en partie du fait que les systèmes de circulation de l’air de la Terre, qui contribuent à répandre et à disperser l’humidité et la chaleur dans le monde entier, se sont affaiblis au fil des ans. Cependant, les raisons exactes de cet affaiblissement ont échappé aux chercheurs.

Aujourd’hui, dans deux études dirigées par le Dr Rei Chemke de l’Institut Weizmann des Sciences, des chercheurs ont réussi à percer ce mystère : c’est l’activité humaine qui a affaibli les systèmes de circulation de l’air.

(l-r) Or Hess and Dr. Rei Chemke
(l-r) Or Hess and Dr. Rei Chemke

Les deux études se sont concentrées sur les régimes des vents qui, ensemble, constituent un réseau vital par lequel la chaleur et l’humidité transportées par le vent circulent dans le monde entier. Les trajectoires des tempêtes, les cyclones et anticyclones qui circulent d’ouest en est, constituent une partie majeure de ce réseau. Cumulées, ces tempêtes ont un impact significatif sur le transfert de chaleur, d’humidité et de vitesse de circulation de l’air dans l’atmosphère, ce qui affecte à son tour les différentes zones climatiques de la Terre. La seconde partie du réseau des vents est la circulation de Hadley, dans laquelle l’air chaud se rassemble à l’équateur, monte en altitude, s’écoule vers les pôles, redescend à la surface dans les régions subtropicales et retourne à l’équateur, continuant ainsi le cycle.

Alors que les trajectoires des tempêtes et la circulation de Hadley s’affaiblissent depuis au moins 1980, seul l’affaiblissement de la circulation de Hadley a été lié aux émissions d’origine humaine.

 

Tempêtes plus faibles, plus de chaleur

Dans une étude menée avec le professeur Dim Coumou de l’Institut d’Études Environnementales d’Amsterdam (Vrije Universiteit Amsterdam), le Dr. Chemke a montré pour la première fois que l’affaiblissement des trajectoires des tempêtes est dû aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre, tels que le CO2, et d’aérosols.

« Ces émissions réchauffent l’air davantage aux hautes latitudes qu’aux basses latitudes », explique le Dr. Chemke. Par conséquent, l’écart de température entre les latitudes nord et sud – qui est à l’origine des trajectoires des tempêtes – s’est réduit, ce qui a entraîné un affaiblissement des trajectoires des tempêtes.

Tempêtes d’été dans l’hémisphère nord (Photo NASA)
Tempêtes d’été dans l’hémisphère nord (Photo NASA)

Pour parvenir à cette conclusion, les scientifiques ont analysé des quantités gigantesques de données climatiques provenant à la fois de l’observation et de modèles climatiques avancés. Ce n’est qu’en incluant l’historique des émissions d’origine humaine dans les calculs des modèles climatiques que l’affaiblissement observé a pu être expliqué. Ces résultats ont été publiés dans la revue npj Climate and Atmospheric Science.

« Les tempêtes estivales jouent un rôle important en apportant de l’air frais de l’océan vers la terre », a déclaré le Dr. Chemke. « Si vous réduisez l’intensité de ces tempêtes, vous amenez moins d’air frais. Cela entraîne une accumulation de chaleur sur le continent, ce qui peut conduire à des épisodes de canicule de plus en plus extrêmes. »

 

L’effet Hadley

Les émissions d’origine humaine affectent également la circulation de Hadley d’une manière sans précédent dans l’histoire : Comparé à l’impact des facteurs naturels dans le passé, leur effet est plus important et va dans la direction opposée, c’est-à-dire qu’il affaiblit cette circulation au lieu de la renforcer. Telle est la conclusion de la seconde étude, publiée dans Nature Communications, que le Dr. Chemke, qui travaille au Département des Sciences de la Terre et des Planètes de Weizmann, a menée avec son étudiant Or Hess.

« Nous ne disposons pas de données sur les vents du dernier millénaire, et nous ne pouvons donc pas nous contenter d’examiner les régimes de vent passés et de les comparer aux régimes actuels, mais nous disposons d’une bonne reconstruction des facteurs qui régissent les systèmes climatiques », a déclaré le Dr. Chemke. « Ces facteurs sont utilisés pour simuler le climat du passé dans des modèles qui englobent toute la physique, la biologie et la chimie du système climatique.

 

Une bande de nuages au-dessus de l'équateur, créée par l'ascension de l'air dans la cellule de Hadley et responsable des fortes précipitations dans cette région.
Une bande de nuages au-dessus de l’équateur, créée par l’ascension de l’air dans la cellule de Hadley et responsable des fortes précipitations dans cette région.

Grâce à ces simulations, le Dr. Chemke et Or Hess ont pu étudier comment des facteurs naturels, tels que les éruptions volcaniques et les flux solaires, ont modifié la circulation de Hadley au cours des siècles passés. Ils ont constaté que ces facteurs naturels ont renforcé la circulation de Hadley au cours du dernier millénaire, ce qui contraste fortement avec l’affaiblissement actuel de cette circulation. Ces résultats suggèrent que les émissions d’origine humaine ont inversé le renforcement naturel de la circulation.

« Au cours du dernier millénaire, les facteurs naturels étaient dominants, alors qu’aujourd’hui, les émissions d’origine humaine jouent un rôle prépondérant», a déclaré Or Hess. « Dans le passé, nous avons connu un refroidissement du climat qui a contribué à renforcer la circulation de Hadley. Aujourd’hui, nous avons un climat qui se réchauffe et qui affaiblit cette circulation.

 

Les forces naturelles méritent notre attention

Les climatologues ont tendance à s’intéresser principalement à l’impact de l’activité humaine sur le climat, alors que les facteurs naturels sont souvent négligés. Les nouvelles découvertes montrent à quel point ces facteurs naturels étaient et sont encore importants. La conclusion est que les scientifiques doivent mieux les prendre en compte dans les modèles climatiques.

« Notre domaine de recherche porte principalement sur les émissions d’origine humaine et le réchauffement des climats. On accorde moins d’attention à l’impact des facteurs naturels tels que les éruptions volcaniques, les fluctuations solaires ou les sources naturelles de gaz à effet de serre », a indiqué le Dr. Chemke. « Pourtant, nous avons constaté que les facteurs naturels peuvent avoir un effet majeur sur le climat, bien que de moindre ampleur par rapport à l’impact des émissions d’origine humaine. En particulier, ils semblent affecter la circulation de Hadley d’une manière opposée à celle de l’activité humaine. Cela nous a vraiment surpris, et c’est quelque chose qu’il faut prendre en considération ».

 

La Science en Chiffres

D’ici la fin du siècle, l’intensité des trajectoires des tempêtes estivales devrait diminuer de 25 %.

Il y a plus de 95 % de chances que l’affaiblissement des trajectoires des orages d’été soit dû aux émissions humaines.



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