17 Nov L’odeur d’un ami
Les similitudes d’odeur corporelle peuvent contribuer à la création de liens sociaux.
Des chercheurs de l’Institut Weizmann des Sciences ont découvert que les gens peuvent avoir tendance à se lier d’amitié avec des personnes qui ont une odeur corporelle similaire à la leur. Les chercheurs ont même été en mesure de prédire la qualité des interactions sociales entre de parfaits inconnus en les « sentant » au préalable à l’aide d’un dispositif appelé nez électronique, ou eNose. Ces résultats, publiés dans Science Advances, suggèrent que l’odorat pourrait jouer un rôle plus important que prévu dans les interactions sociales humaines.
Quiconque a déjà promené un chien sait que celui-ci peut généralement déterminer à distance si un chien qui s’approche est un ami ou un ennemi. En cas de doute, lorsqu’ils se rencontrent, les deux chiens peuvent se renifler soigneusement et explicitement avant de décider de se lancer dans une séance de jeu ou dans une guerre totale. Ce rôle dominant joué par l’odorat dans les interactions sociales a été largement documenté chez tous les mammifères terrestres, à l’exception de l’homme. Est-ce parce que les humains n’utilisent pas leur nez dans les contextes sociaux comme le font tous les autres mammifères terrestres ? Ou bien ce comportement est-il caché, plutôt que manifeste, chez l’homme ?
Le nez électronique utilisé pour la recherche en train de « sentir » un T-shirt dans un récipient
Inbal Ravreby, étudiante diplômée du laboratoire du Professeur Noam Sobel au Département des Sciences du Cerveau de Weizmann, a émis l’hypothèse que c’était le cas. Elle s’est appuyée sur deux observations antérieures. Premièrement, plusieurs sources de données suggèrent que les êtres humains se reniflent constamment, bien qu’inconsciemment pour la plupart. Deuxièmement, les humains reniflent souvent inconsciemment d’autres personnes. En outre, on sait que les gens ont tendance à se lier d’amitié avec des personnes qui leur ressemblent en termes d’apparence, de milieu, de valeurs et même de mesures telles que l’activité cérébrale. Inbal Ravreby a émis l’hypothèse que, lorsqu’ils se reniflent et reniflent les autres de manière subconsciente, les gens font des comparaisons subliminales et qu’ils se rapprochent de ceux dont l’odeur est similaire à la leur.
Inbal Ravreby
Pour vérifier son hypothèse, Inbal Ravreby a recruté des paires d’amis-clients : des amis non romantiques de même sexe dont l’amitié s’était formée très rapidement. Elle a émis l’hypothèse que, comme ces amitiés naissent avant une connaissance approfondie, elles peuvent être particulièrement influencées par des caractéristiques physiologiques telles que l’odeur corporelle. Elle a ensuite recueilli des échantillons d’odeurs corporelles de ces amis instantanés et a mené deux séries d’expériences pour comparer les échantillons avec ceux recueillis auprès de paires d’individus aléatoires. Dans la première série d’expériences, elle a effectué la comparaison à l’aide du nez électronique, qui évalue les signatures chimiques des odeurs. Dans l’autre, elle a demandé à des volontaires de sentir les deux groupes d’échantillons d’odeurs corporelles afin d’évaluer les similarités mesurées par la perception humaine. Dans les deux types d’expériences, il s’est avéré que les amis instantanés avaient des odeurs nettement plus proches les uns des autres que les individus des paires aléatoires.
Ensuite, Inbal Ravreby a voulu exclure la possibilité que la similitude d’odeur corporelle soit une conséquence des amitiés instantanées , plutôt qu’une cause contributive. Par exemple, si les amis avaient une odeur similaire parce qu’ils mangeaient les mêmes types de nourriture ou partageaient d’autres expériences de vie qui influencent l’odeur corporelle ? Pour répondre à cette question, Inbal Ravreby a réalisé une série d’expériences supplémentaires, dans lesquelles elle a utilisé un nez électronique pour « sentir » un certain nombre de volontaires totalement étrangers les uns aux autres, puis leur a demandé de s’engager dans des interactions sociales non verbales par paires. Après chaque interaction structurée, les participants ont évalué l’autre personne en fonction de son degré d’appréciation et de la probabilité qu’elle devienne leur amie. Une analyse ultérieure a révélé que les individus qui avaient eu le plus d’interactions positives avaient effectivement une odeur plus proche de celle de l’autre, comme l’a déterminé l’eNose. En fait, lorsque Inbal Ravreby et le statisticien Kobi Snitz ont entré les données dans un modèle informatique, ils ont pu prédire avec 71 % d’exactitude quels binômes auraient une interaction sociale positive, sur la base des seules données du nez électronique. En d’autres termes, l’odeur corporelle semble contenir des informations permettant de prédire la qualité des interactions sociales entre inconnus.
Prof. Noam Sobel
« Ces résultats impliquent que, comme le dit le dicton, il y a de la chimie dans la chimie sociale », conclut Inbal Ravreby. Le Prof. Sobel émet une mise en garde : « Il ne s’agit pas de dire que nous agissons comme des chèvres ou des musaraignes – les humains s’appuient probablement sur d’autres indices, bien plus dominants, dans leurs décisions sociales. Néanmoins, les résultats de notre étude suggèrent que notre nez joue un rôle plus important que prévu dans le choix de nos amis ».
Le professeur Noam Sobel dirige l’Institut National Azrieli pour l’Imagerie et la Recherche sur le Cerveau Humain. Ses recherches sont soutenues par le Sagol Weizmann-MIT Bridge Program, le Rob and Cheryl McEwen Fund for Brain Research et Miel de Botton. Le Professeur Sobel est le titulaire de la Chaire de Neurobiologie Sara et Michael Sela.