22 Juil Des hivers plus durs, des tempêtes plus fortes : De nouvelles données révèlent que le changement climatique pourrait être plus rapide que prévu.
Le climat de la Terre change plus rapidement que prévu. Une nouvelle étude menée par l’Institut Weizmann des sciences révèle que les tempêtes de l’hémisphère sud ont déjà atteint des niveaux d’intensité qui, selon les prévisions, ne devaient se produire qu’en 2080.
Une trentaine de réseaux informatiques massifs et complexes sont au service des scientifiques qui sont à la pointe de la recherche sur le changement climatique. Chaque réseau fait tourner un logiciel composé de millions de lignes de code. Ces programmes sont des modèles informatiques qui combinent les myriades de phénomènes physiques, chimiques et biologiques qui, ensemble, forment le climat de notre planète. Les modèles calculent l’état de l’atmosphère, des océans, des terres et des glaciers, saisissent la variabilité climatique passée et présente et utilisent les données pour prévoir les changements climatiques futurs. Ces résultats sont analysés par des instituts de recherche de premier plan dans le monde entier, dont l’Institut Weizmann des sciences, puis intégrés dans le rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies. Les décideurs politiques s’appuient sur le rapport du GIEC lorsqu’ils élaborent des stratégies d’adaptation et d’atténuation du changement climatique, l’une des plus grandes crises de notre génération.
Docteur Rei Chemke avec une illustration montrant les futurs changements de la température de la surface de la terre à la fin du 21ème siècle tels que prévus par les modèles
Une nouvelle étude, publiée aujourd’hui dans Nature Climate Change, va certainement faire en sorte que le GIEC – et d’autres organismes environnementaux – y prête attention. Une équipe de scientifiques dirigée par le Dr Rei Chemke du département des sciences de la terre et des planètes de Weizmann a révélé une intensification considérable des tempêtes hivernales dans l’hémisphère sud. L’étude, menée en collaboration avec le Dr Yi Ming de l’université de Princeton et le Dr Janni Yuval du MIT, ne manquera pas de faire des vagues dans le débat sur le climat. Jusqu’à présent, les modèles climatiques ne prévoyaient une intensification des tempêtes hivernales causée par l’homme que vers la fin de ce siècle. Dans la nouvelle étude, Chemke et son équipe ont comparé les simulations des modèles climatiques aux observations actuelles des tempêtes. Leur constat est sombre : Il est apparu clairement que l’intensification des tempêtes au cours des dernières décennies a déjà atteint les niveaux initialement prévus pour l’année 2080.
« Une tempête hivernale est un phénomène météorologique qui ne dure que quelques jours. Individuellement, chaque tempête n’a pas un grand poids climatique. Toutefois, l’effet à long terme des tempêtes hivernales devient évident lorsqu’on évalue les données cumulatives recueillies sur de longues périodes », explique le Dr. Chemke. Cumulativement, ces tempêtes ont un impact significatif, affectant le transfert de chaleur, d’humidité et de quantité de mouvement dans l’atmosphère, ce qui affecte par conséquent les différentes zones climatiques de la Terre. « Un exemple de ceci est le rôle que jouent les tempêtes dans la régulation de la température aux pôles de la Terre. Les tempêtes d’hiver sont responsables de la majorité du transport de chaleur des régions tropicales vers les pôles. Sans leur contribution, les températures moyennes aux pôles seraient inférieures d’environ 30°C à ce qu’elles sont en réalité. » De même, l’intensification collective de ces tempêtes fait peser une menace réelle et significative sur les sociétés de l’hémisphère sud au cours des prochaines décennies.
« Nous avons choisi de nous concentrer sur l’hémisphère sud parce que l’intensification qui y a été enregistrée a été plus forte que dans l’hémisphère nord », explique le Dr. Chemke. « Nous n’avons pas examiné l’hémisphère nord, mais il semble que l’intensification des tempêtes dans cet hémisphère soit plus lente que dans l’hémisphère sud. Si la tendance persiste », ajoute le Dr. Chemke, « nous observerons une intensification plus importante des tempêtes hivernales ici dans les années et décennies à venir. »
Tempêtes d’hiver dans l’hémisphère sud
Dans son laboratoire de l’Institut Weizmann, le Dr. Chemke étudie les mécanismes physiques qui sous-tendent les changements climatiques à grande échelle. Dans cette étude, lui et ses partenaires de recherche ont cherché à comprendre si ces changements dans les modèles climatiques étaient causés par des facteurs externes (tels que l’activité humaine), ou s’ils résultaient des fluctuations internes du système climatique mondial. Ils ont analysé des modèles climatiques qui simulaient des schémas d’intensification des tempêtes sous l’influence isolée de causes climatiques internes, sans impact externe. Ils ont montré qu’au cours des 20 dernières années, les tempêtes se sont intensifiées plus rapidement que ne peut l’expliquer le seul comportement climatique interne.
En outre, les chercheurs ont découvert le processus physique à l’origine de l’intensification des tempêtes. Une analyse du taux de croissance des tempêtes a montré que des changements dans les courants-jets atmosphériques au cours des dernières décennies ont provoqué ces intensifications, et que les modèles climatiques actuels sont incapables de refléter ces changements avec précision.
L’étude des docteurs Chemke, Ming et Yuval a deux implications immédiates et considérables. Tout d’abord, elle montre que non seulement les projections climatiques pour les prochaines décennies sont plus graves que les évaluations précédentes, mais elle suggère également que l’activité humaine pourrait avoir un impact plus important sur l’hémisphère sud que ce qui avait été estimé précédemment. Cela signifie qu’une intervention rapide et décisive est nécessaire pour mettre un terme aux dommages climatiques dans cette région. Deuxièmement, il convient de corriger le biais des modèles climatiques afin que ceux-ci puissent fournir des projections climatiques plus précises à l’avenir.
Les modèles climatiques pourraient-ils prévoir de manière inexacte d’autres phénomènes importants ? « Les modèles font un très bon travail de prévision de presque tous les paramètres », affirme le Dr. Chemke. « Nous avons découvert un paramètre pour lequel la sensibilité des modèles doit être ajustée. Les changements de température, de précipitations, de glace de mer et de modèles de tempêtes estivales, par exemple, sont tous simulés avec précision. »
Les résultats de l’étude devraient aider les chercheurs en climatologie du monde entier à corriger les biais dans les modèles et à créer une prévision plus précise des modèles climatiques futurs. En outre, la compréhension actualisée de l’intensification des tempêtes hivernales au cours des dernières décennies nous aidera à mieux comprendre l’état du climat de la Terre. Les climatologues seront désormais en mesure d’estimer avec plus de précision l’ampleur des dégâts que le changement climatique devrait causer – dégâts qui ne pourront être atténués que si l’humanité intervient et assume la responsabilité de l’avenir de la planète.
Les recherches du Dr Chemke sont soutenues par le Willner Family Leadership Institute du Weizmann Institute of Science et le Zuckerman STEM Leadership Program.