06 Nov Vers la lumière
Une meilleure compréhension de la photosynthèse nous aidera-t-elle à cultiver des plantes sous lumière artificielle ?
La photosynthèse, processus par lequel les plantes, les algues et certains types de bactéries convertissent le rayonnement solaire en énergie chimique, doit s’adapter aux changements d’intensité de la lumière du soleil, afin d’en assurer une utilisation efficace. Tout comme nos pupilles, qui réagissent à une exposition plus ou moins forte à la lumière par une dilatation ou une constriction, les organites des cellules végétales subissent des modifications en réponse à la lumière du soleil. Mais contrairement à nous, les plantes ne peuvent pas détourner les yeux ou se reposer à l’ombre pour éviter un ensoleillement trop intense ; elles doivent être capables de faire face à différents niveaux de rayonnement solaire, ainsi qu’à son absence la nuit.
(g-d) Dr. Smadar Levin-Zaidman, Dr. Yuval Garty, Dr. Reinat Nevo, Yuval Bussi, Dr. Dana Charuvi and Prof. Ziv Reich
Sans la photosynthèse, la vie telle que nous la connaissons sur Terre serait impossible. Ce processus est non seulement responsable de la production de la majeure partie de l’oxygène présent dans l’atmosphère terrestre, mais il garantit également la disponibilité de la nourriture, séquestre le carbone de l’atmosphère et atténue les effets du changement climatique. Il est donc essentiel de comprendre la photosynthèse dans toutes ses subtilités pour relever les défis imminents auxquels notre planète est confrontée.
Les recherches menées dans le laboratoire du professeur Ziv Reich du Département des Sciences Biomoléculaires de l’Institut Weizmann des Sciences visent à percer les mystères de la photosynthèse afin qu’elle puisse être utilisée plus efficacement pour répondre aux besoins de l’humanité ou imitée par des méthodes artificielles qui reproduiraient les processus naturels de photosynthèse.
Image au cryomicroscope électronique à balayage d’un chloroplaste rompu par congélation, obtenu à partir du tissu environnant, offrant une vue des membranes photosynthétiques et des complexes protéiques qu’elles contiennent.
Dans la photosynthèse, l’exploitation de l’énergie solaire est rendue possible par le flux d’électrons d’une protéine à une autre à l’intérieur d’un organite appelé chloroplaste. Cet organite contient un système complexe de membranes, dont certaines sont densément empilées et d’autres organisées en ensembles plus étendus. Jusqu’à présent, le consensus scientifique était que cette structure spatiale obligeait les électrons à parcourir de grandes distances entre les protéines, ce qui ralentissait le processus de photosynthèse. Mais dans un article récemment publié dans Nature Plants, une équipe de recherche dirigée par le Dr Reinat Nevo du laboratoire du Prof. Reich a révélé que les membranes changent d’organisation spatiale lors du passage de l’obscurité à la lumière, ce qui permet aux protéines de se rapprocher les unes des autres et donc de réduire la distance que les électrons doivent parcourir.
Ces révélations ont été faites lorsque les chercheurs ont examiné les membranes des chloroplastes au cryomicroscope électronique à balayage et ont comparé l’alignement des protéines dans les membranes à la lumière et à l’obscurité. « Lorsque nous avons examiné la densité des protéines, nous avons réalisé que les protéines elles-mêmes ne changeaient pas de position, comme on le pensait auparavant, mais que le changement se produisait dans la façon dont les membranes étaient organisées dans l’espace », explique le Dr. Nevo. D’autres tests, effectués cette fois au microscope électronique à transmission, ont confirmé l’hypothèse des chercheurs et montré que les membranes se réorganisaient effectivement dans l’espace, rapprochant les protéines les unes des autres. Apparemment, l’une des raisons pour lesquelles les protéines ne sont pas en permanence proches les unes des autres – et que les membranes s’éloignent les unes des autres dans l’obscurité – est que cet éloignement protège les protéines en les isolant lorsque la lumière est faible et que l’activité photosynthétique est réduite.
Diagramme montrant les changements dans la structure spatiale des membranes des chloroplastes lors du passage de l’obscurité (en haut) à la lumière (en bas).
Après avoir découvert comment les membranes se réalignent en fonction des conditions lumineuses, l’équipe de recherche a mené une expérience avec deux groupes de plantes génétiquement modifiées : l’un dans lequel la structure spatiale des membranes des chloroplastes est « verrouillée » dans un mode actif de lumière et de photosynthèse et l’autre dans lequel les membranes sont organisées dans un mode d’obscurité perpétuelle, les empêchant de se rapprocher l’une de l’autre. Les plantes du premier groupe sont devenues plus grandes et ont réalisé plus de photosynthèse que leurs homologues en mode obscur.
À l’avenir, le Dr. Nevo et ses collègues prévoient d’étudier si les plantes génétiquement modifiées, dans lesquelles la structure spatiale des membranes est régulée, peuvent être cultivées sous une lumière relativement faible. Cela pourrait permettre d’économiser de l’énergie lors de la culture de plantes sous lumière artificielle, une nécessité qui pourrait être imposée par le changement climatique.
Le regretté Dr. Eyal Shimoni
Cette étude est dédiée à la mémoire du Dr Eyal Shimoni, un scientifique du Département de Soutien à la Recherche Chimique de Weizmann, qui a apporté une expertise essentielle en microscopie à cette recherche avant de décéder prématurément en 2023.
La Science en Chiffres
Dans des conditions optimales de luminosité, les électrons doivent parcourir 0,00001 millimètre (10 nanomètres) entre les protéines situées à proximité les unes des autres dans les membranes des chloroplastes.