06 Nov Le plastique fantastique : vert, solide et comestible
Des chercheurs de l’Institut Weizmann ont créé un matériau composite biodégradable qui pourrait aider à lutter contre la crise mondiale des déchets plastiques.
Des milliards de tonnes de déchets plastiques encombrent notre monde. La plupart d’entre eux se sont accumulés sur le sol et dans les océans ou se sont désintégrés en minuscules particules appelées microplastiques qui polluent l’air et l’eau, pénètrent dans la végétation et dans le sang des humains et des autres animaux. L’ampleur du danger que représentent les plastiques s’accroît d’année en année, car ils sont constitués de très grosses molécules, appelées polymères, qui ne se biodégradent pas facilement. Actuellement, les plastiques biodégradables représentent moins d’un cinquième de la quantité totale de plastique produite, et les processus nécessaires pour les décomposer sont relativement lourds
(g-d) Prof. Boris Rybtchinski, Dr. Haim Weissman et Dr. Angelica Niazov-Elkan
Dans une étude publiée dans ACS Nano, le Dr Angelica Niazov-Elkan, le Dr Haim Weissman et le Prof. Boris Rybtchinski du Département de Chimie Moléculaire et de Science des Matériaux de l’Institut Weizmann des Sciences ont créé un nouveau plastique composite qui se dégrade facilement grâce aux bactéries. Ce nouveau matériau, produit en combinant un polymère biodégradable avec des cristaux d’une substance biologique, présente trois avantages majeurs : il est bon marché, facile à préparer et très résistant. Ont également participé à l’étude le regretté Dr Eyal Shimoni, le Dr XiaoMeng Sui, le Dr Yishay Feldman et le Prof. H. Daniel Wagner.
Actuellement, de nombreuses industries adoptent avec enthousiasme les plastiques composites, qui sont fabriqués en combinant deux ou plusieurs matériaux purs et possèdent diverses propriétés bénéfiques telles que la légèreté et la résistance. Ces plastiques servent désormais à fabriquer des pièces clés d’une grande variété de produits industriels, des avions et des voitures aux vélos.
En haut : une feuille du nouveau plastique composite biodégradable créé dans un laboratoire de l’Institut Weizmann. En bas : Images au microscope électronique montrant le matériau vu de dessus (à gauche), en coupe transversale (au centre) et en gros plan de la coupe transversale (à droite).
Cherchant à créer un plastique composite qui répondrait aux besoins de l’industrie tout en étant respectueux de l’environnement, les chercheurs de Weizmann ont décidé de se concentrer sur des matériaux de base courants et peu coûteux dont les propriétés pouvaient être améliorées. Ils ont découvert que les molécules de tyrosine – un acide aminé courant qui forme des nanocristaux exceptionnellement résistants – pouvaient être utilisées comme composant efficace d’un plastique composite biodégradable. Après avoir examiné comment la tyrosine se combine avec plusieurs types de polymères, ils ont choisi l’hydroxyéthylcellulose, un dérivé de la cellulose, qui est largement utilisé dans la fabrication de médicaments et de cosmétiques.
Une bande de 0,04 millimètre d’épaisseur du nouveau plastique biodégradable a résisté à un poids de 6 kilogrammes.
L’hydroxyéthylcellulose est une matière fragile qui se désagrège facilement. Pour la combiner avec la tyrosine, les deux matériaux ont été mélangés dans de l’eau bouillante. En refroidissant et en séchant, on a obtenu un plastique composite exceptionnellement résistant, composé de nanocristaux de tyrosine ressemblant à des fibres, qui se sont développés dans l’hydroxyéthylcellulose et se sont intégrés à elle. Lors d’une expérience qui a révélé la solidité du nouveau plastique, une bande de 0,04 millimètre d’épaisseur du matériau a résisté à une charge de 6 kilogrammes. En outre, l’équipe a découvert que le nouveau matériau présentait plusieurs autres caractéristiques uniques, ce qui le rend encore plus utile pour l’industrie. Habituellement, lorsqu’un matériau est renforcé, il perd de sa plasticité. Or, ce nouveau plastique composite, en plus d’être très résistant, est également plus ductile (malléable) que son composant principal, l’hydroxyéthylcellulose. En d’autres termes, la combinaison des deux matériaux a créé une synergie qui se traduit par l’émergence de propriétés extraordinaires et, par conséquent, par un potentiel industriel massif
Images provenant d’un microscope électronique (rangée du haut) et d’un cryomicroscope électronique (rangée du bas), de gauche à droite : Développement progressif de nanocristaux de tyrosine dans une solution d’hydroxyéthylcellulose.
Étant donné que la cellulose et la tyrosine – dont les cristaux se trouvent dans divers types de fromage à pâte dure – sont comestibles, le plastique composite biodégradable peut être mangé. A-t-il également du goût ? Il faudra attendre pour le savoir : le processus de production en laboratoire n’étant pas suffisamment hygiénique pour les denrées alimentaires, les chercheurs n’ont pas encore eu l’occasion de le goûter.
Le Prof. Rybtchinski résume la situation : « L’étude de suivi que nous avons déjà entamée pourrait faire progresser le potentiel commercial de ce nouveau matériau, car nous avons remplacé l’ébullition dans l’eau par la fusion, ce qui est plus courant dans l’industrie. Cela signifie que nous chauffons les polymères biodégradables jusqu’à ce qu’ils deviennent liquides, puis nous y ajoutons la tyrosine ou d’autres matériaux appropriés. Si nous parvenons à relever les défis scientifiques et techniques liés à ce processus, nous pourrons explorer la possibilité de produire ce nouveau plastique composite à l’échelle industrielle ».
La Science en Chiffres
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, l’homme produit environ 400 millions de tonnes de déchets plastiques chaque année.