03 Juin Le fonds d’intervention Weizmann contre le Coronavirus
DES SOLUTIONS RAPIDES FACE A LA CRISE SANITAIRE MONDIALE.
Tandis que nous – l’humanité tout entière – nous trouvons au milieu d’une pandémie provoquée par l’épidémie du SARS-CoV-2, l’Institut Weizmann des Sciences multiplie ses efforts de recherches et ses initiatives afin de relever ce défi, face à une menace sans précédent qui plane sur la santé mondiale.
L’Institut Weizmann, mondialement renommé dans le domaine de l’immunologie, ainsi que pour ses recherches de pointe en biologie structurale, en séquençage cellulaire, en outils d’intelligence artificielle et en découverte de médicaments, a constitué une véritable task-force opérationnelle
Ces dernières semaines, l’Institut est rapidement devenu un épicentre des efforts de recherche orienté selon trois axes principaux : augmenter les capacités de test, suivre le développement des épidémies en cours et favoriser les initiatives de recherche prometteuses vers un traitement et un vaccin. La direction de l’Institut a rassemblé une équipe resserrée de scientifiques qui coordonne l’ensemble des recherches, et met tout en œuvre pour mobiliser la totalité des ressources existantes afin de permettre à la recherche d’avancer.
Dans ce but, l’Institut Weizmann a établi un Fonds d’Intervention contre le Coronavirus ; 25 millions d’euros doivent être trouvés pour donner rapidement aux scientifiques les moyens de leurs recherches.
Ce document présente les initiatives actuelles en cours : ce sont des projets qui visent à éradiquer la maladie, à sauver des vies et à accroître nos connaissances afin d’empêcher une future crise sanitaire publique comme celle que nous vivons aujourd’hui.
Les besoins sont immédiats.
1. Analyser les données – Augmenter les tests
Un important défi dans la lutte contre le COVID-19 est le manque de capacités de test et d’installations de détection du SARS-CoV-2 et de diagnostic de la maladie. L’Institut Weizmann des Sciences contribue de façon significative à l’effort national de production de tests pour le SARS-CoV-2 et le développement d’une méthode de test améliorée et efficace avec un risque réduit. Un autre projet, Predict Corona (prévoir le coronavirus), rassemble les données géographiques et sanitaires afin de prévoir les clusters d’infection en préparation. D’autres projets se concentrent sur des méthodes de test innovantes.
2. Cartographie du coronavirus en mode furtif
Des scientifiques de l’Institut Weizmann ont développé une méthode pour suivre, identifier et prévoir les clusters géographiques dans lesquels le coronavirus est répandu et se propagera probablement, en suivant les symptômes de la population israélienne – à la fois chez les individus malades et chez les individus sains. Ce projet – qui utilise les données récoltées à partir de questionnaires – est dirigé par le professeur Eran Segal et le professeur Benjamin Geiger de l’Institut, en collaboration avec le professeur Yuval Dror de l’Université hébraïque de Jérusalem ; il est en cours de déploiement sur tout le territoire israélien grâce au ministère de la santé israélien et aux structures de soin du pays.
Carte de la ville/de la région représentant les symptômes associés au COVID-19, avec au moins 30 questionnaires. Chaque zone est catégorisée par un taux de symptômes défini, calculé à l’aide d’une moyenne des symptômes reportés dans les questionnaires de cette ville (en vert : faible taux ; en rouge : fort taux).
Ce programme permet aux autorités sanitaires de concentrer leurs efforts sur les zones où la propagation du virus est prévisible et d’assouplir les mesures prises dans les autres zones. Cette méthode a été adoptée dans différents pays comme les Etats Unis, la Grande Bretagne, l’Italie et la Malaisie.
Le professeur Segal et des chercheurs américains dirigent la formation d’un consortium international qui partagera les méthodes, les découvertes et une synthèse des informations permettant de construire des outils prédictifs et de faire des comparaisons entre pays. Ce projet nécessite des fonds pour avancer et accélérer la conception et l’implémentation de cet outil, accélérer la synthèse des données et des résultats clefs concernant la dissémination du virus en Israël, et répliquer cet outil en étendant la collecte de données régionales dans tous les pays.
3-Augmenter considérablement la capacité de test en Israël
Le Professeur Robert Fluhr, directeur du Centre National Israélien Nancy et Steven Grand pour la médecine personnalisée ou I-INCPM s’assure que tous les équipements de pointe présents à l’Institut sont disponibles pour réaliser dès à présent un plus grand nombre de tests et mettre au point de nouveaux tests plus simples et plus rapides, le but étant de tester toute la population israélienne.
4-Des méthodes de test plus rapides et plus sûres
Les professeurs Ido Amit et Eran Elinav, experts en immuno-génomique, ont développé un nouveau test en ligne automatisé et plus sûr qui peut analyser des dizaines de milliers d’échantillons à la fois – décuplant les capacités actuelles. Cette technologie robotique révolutionnaire est en cours d’étalonnage dans l’espoir d’une disponibilité rapide pour permettre de dépister tous les Israéliens et, par la suite, n’importe qui dans le monde.
5-Améliorer les diagnostics
Le laboratoire du Docteur Liran Shlush, du département d’immunologie, travaille en collaboration avec le G-INCPM dans le but d’améliorer les diagnostics du COVID-19. Experte dans le domaine des maladies et cancers d’origine sanguine, le docteur Shlush a déjà travaillé sur le virus de la dengue qui peut apparaître sous de nombreuses formes (sérotypes) dans les analyses sanguines.
Le docteur Shlush collabore actuellement avec des médecins du Centre médical Sheba afin de conduire des études sérotypiques plus poussées du SARS-CoV-2 à partir du sérum des personnes asymptotiques infectées ainsi que sur des malades.
6-Vers un test diagnostique plus simple et moins coûteux
Le docteur Efrat Shema du département de régulation biologique et le docteur Shay Shilo (postdoctorant dans le laboratoire) étudient un concept qu’ils voudraient explorer afin de développer un test diagnostique du SARS-CoV-2 plus simple et moins coûteux et qui serait applicable à d’autres virus.
L’idée est d’adapter leur technique (plateforme à molécule unique) pour déterminer si un échantillon contient de l’ARN viral en utilisant des sondes fluorescentes qui seront détectées par microscopie à fluorescence. De tels tests présentent un avantage sur la plupart des méthodologies de test communément employées : ils sont rapides, peu coûteux, très sensibles et ne reposent pas sur de fragiles processus enzymatiques.
2/ DECOUVERTE ET CONCEPTION D’UN MEDICAMENT : LES ANTICORPS
Une protection longue durée contre des pathogènes dangereux comme le SARS-CoV-2 dépend de la mise en place d’une « mémoire » immunologique – c’est-à-dire qu’en présence du pathogène, des anticorps sont produits et peuvent ensuite le reconnaître et le détruire s’il réapparaît. Ainsi, la formation d’anticorps provoquée par un vaccin joue un rôle capital dans la prévention des épidémies de maladies infectieuse et dans celle de la propagation de pathogènes entre différents individus.
Comprendre la façon dont les anticorps protecteurs sont formés et comment ils apportent une protection de longue durée contre un pathogène particulier est un des principaux buts de l’immunologie et de la conception de vaccins. De plus, des anticorps avec une activité neutralisante peuvent être utilisés comme médicament pour stopper la propagation d’un pathogène et pour soigner des patients infectés.
2.1- Passer au travers des défenses du coronavirus
Ce projet implique la création de minuscules anticorps – appelés nanocorps – qui sont assez petits pour passer au travers des défenses du SARS-CoV-2 et l’arrêter. Le professeur Sarel Fleishman et ses collègues utilisent, contre le coronavirus, un processus unique qu’ils ont développé dans son laboratoire – et qui a déjà mené à un candidat pour un vaccin potentiel contre le paludisme. Ceci passe par la conception de millions de « nanocorps » – de petits anticorps synthétiques qui pourraient éventuellement franchir les formidables défenses du coronavirus. Il espère trouver les plus efficaces, candidats médicaments potentiels.
Modèle de coronavirus et « nanocorps » à l’attaque
La plupart de ses travaux de conception porte sur les anticorps – les protéines qui défendent le corps contre les envahisseurs, virus ou bactéries à l’origine de maladies. Cette approche informatique est une alternative rapide et rentable aux méthodes de conception d’anticorps utilisées par la plupart des laboratoires en sciences de la vie.
En se basant sur sa précédente réussite de conception d’un anticorps pour un vaccin potentiel contre le paludisme, le professeur Fleishman se focalise aujourd’hui sur le coronavirus. Le professeur Fleishman cherche à concevoir un anticorps résistant (un « nanocorps ») – « l’ingrédient actif » des traitements combattant les infections – qui se lierait aux points vulnérables du virus et stopperait l’infection dans sa lancée.
2.2-Trouver des leurres et des anticorps optimaux
Ce projet en deux parties implique la conception d’une molécule « leurre » qui permettra aux cellules saines d’échapper au virus SARS-CoV-2 et la découverte d’un anticorps qui se lie efficacement au SARS-CoV-2.
Le docteur Ron Diskin, du département de biologie structurale, est un expert en virus léthaux comme celui de l’Ebola ou le HIV ; Avec son équipe, il veut exploiter deux pistes pour contrer le SARS-Cov-2 basées sur ses recherches précédentes sur des maladies d’origine animale similaires, mais provoquées par des arénavirus, et sur son étude d’un vaccin contre Ebola, virus qui trouve son origine -comme le coronavirus – chez une chauve-souris.
Sur la première voie, en se basant sur ses découvertes sur les arénavirus, le docteur Diskin effectue un criblage complet d’un grand nombre de candidats pour identifier une molécule leurre – une molécule qui détournera les tentatives d’entrée du virus dans les cellules hôtes humaines. Il espère réussir à déterminer une structure moléculaire tridimensionnelle de ce leurre et concevoir informatiquement un leurre basé sur ces données – ce qui serait la base d’un traitement éventuel.
En parallèle, le docteur Diskin collabore avec plusieurs équipes de recherche afin d’isoler des anticorps provenant de patients guéris du coronavirus. Ils cherchent à découvrir leurs structures tridimensionnelles afin de révéler la façon dont ces anticorps se lient au virus SARS-CoV-2. Comprendre cette activité et ce mécanisme de liaison pourrait mener à un vaccin potentiel ou à un traitement par anticorps contre ce coronavirus. Cette piste se base sur ses précédentes recherches sur le virus Ebola et son vaccin.
2.3 – Découvrir des anticorps pour neutraliser le SARS-CoV-2
Le laboratoire du docteur Ziv Shulman, département d’immunologie, est spécialisé dans l’analyse de la réponse immunitaire d’anticorps et dans le clonage d’anticorps neutralisants provenant de cellules génératrices d’anticorps de patients humains et de souris. Dans ce cadre, le docteur Shulman envisage de créer des anticorps neutralisant les protéines du SARS-CoV-2 – en particulier les protéines du système d’attachement (protéines S) – pour un traitement et une protection prophylactique.
En analysant les échantillons de sang provenant de patients entièrement guéris du COVID-19, les chercheurs cherchent à étudier la réactivité des anticorps présents contre les antigènes du coronavirus, et à séquencer les immunoglobulines des lymphocytes B des patients.
L’équipe du docteur Shulman s’intéresse particulièrement aux anticorps qui se lient à l’antigène S, la protéine grâce à laquelle le SARS-CoV-2 pénètre dans les cellules hôtes. Les anticorps se liant à cette protéine seront envoyés à l’Institut de recherche biologique israélien pour des tentatives de neutralisation du virus.
L’équipe du docteur Shulman a été formée et certifiée en procédures de biosécurité. Ils ont à présent besoin d’un soutien financier pour avoir accès aux outils et aux ressources nécessaires à l’expression d’antigènes et de protéines viraux, véritable goulot d’étranglement avant de plus amples recherches.
2.4-Des anticorps thérapeutiques : du Cancer au SARS-CoV-2
Le laboratoire du professeur Yardena Samuels, département de biologie cellulaire et moléculaire, cherche à délimiter les interactions des cellules de mélanomes avec le système immunitaire mais ces études présentent également un enjeu important dans la recherche sur le COVID-19. En effet, la collaboration régulière du laboratoire du professeur Samuels avec des laboratoires de renom dans le domaine de la recherche sur les mélanomes lui a permis d’établir une large base de données génétique et un pipeline pour identifier et caractériser les néo-antigènes en utilisant le séquençage de l’exome entier et du génome entier. Caractériser les néo-antigènes est une approche qui pourrait éventuellement contribuer au développement de vaccins et de traitements personnalisés contre le cancer.
Le professeur Samuels utilise à présent le puissant pipeline immunogénomique de son laboratoire pour concentrer ses recherches sur le SARS-CoV-2. En utilisant les résultats obtenus par les mêmes techniques que pour ses recherches sur le cancer, elle pourrait contribuer de façon importante au développement d’anticorps personnalisés pour traiter le COVID-19.
2.5- Utiliser les échantillons de sang de patients afin de comprendre la réponse des anticorps
Le docteur Rony Dahan étudie au département d’immunologie les fonctions effectrices des anticorps dans le cadre de l’immunologie du cancer et de l’immunothérapie. Compte tenu de l’épidémie de SARS-CoV-2, le docteur Dahan voudrait travailler avec des experts en protéomique au G-INCPM afin d’améliorer notre compréhension de la réponse en anticorps au SARS-CoV-2 via des échantillons sanguins de patients entièrement guéris du COVID-19.
Le docteur Dahan voudrait en particulier analyser les régions Fc de ces anticorps : ces régions sont essentielles car elles permettent aux anticorps de « se souvenir d’agir » quand un virus tente une nouvelle fois d’infecter le système.
3- DÉCOUVERTE ET CONCEPTION D’UN MÉDICAMENT : PETITES MOLÉCULES ET RÉUTILISATION
La chimie médicale, qui comprend la conception et la synthèse de composés spécifiques basée sur leur interaction avec les cibles biologiques, est au cœur du processus de découverte de médicaments –elle se focalise particulièrement sur le processus permettant d’interrompre les interactions pathologiques entre les protéines. Les médicaments basés sur de petites molécules sont généralement considérés comme les meilleurs composants candidats car ils peuvent pénétrer et perturber les interactions protéines-protéines. Ainsi, les chimistes médicaux, les immunologistes et les biologistes moléculaires travaillent afin de développer et d’utiliser de petites molécules thérapeutiques.
Dans le cas du SARS-CoV-2, un domaine clef de la recherche au sein de l’Institut Weizmann, et ailleurs, a été le développement de petites molécules qui inhibent la capacité des protéines du système d’attachement (S) des virus à se lier aux récepteurs cellulaires – comme les récepteurs ACE2 – les empêchant ainsi d’entrer et d’infecter les cellules.
3.1-Un effort de recherche israélo-américano-britannique avec des entreprises biotech et des sociétés de recherche sous-contrat
Un consortium global codirigé par le docteur Nir London, issu du département de chimie organique, cherche à accélérer drastiquement le développement d’un médicament ciblant les enzymes clefs du SARS-CoV-2. Cette initiative internationale a regroupé tous les acteurs du processus de développement de médicaments – des universités de quatre pays, des entreprises biotechnologiques et des sociétés de recherche sous-contrat, en passant par des entreprises spécialisées en développement logiciel – afin d’accélérer l’élaboration d’un médicament pour traiter le COVID-19. Le docteur London collabore avec des chercheurs de l’Université d’Oxford, du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, de l’Université de Colombie Britannique, de PostEra, une entreprise californienne de biotechnologies et Enamine, l’un des plus grands fournisseurs de produits chimiques au monde, afin de développer de petites molécules ciblant une protéine clef du SARS-CoV-2 qui pourrait stopper et contrer le virus.
Ces partenaires ont développé un moyen de caractériser la structure de la principale protéase du SARS-CoV-2 – une enzyme essentielle responsable d’une étape clef du cycle de vie du virus. Leur but : cibler efficacement l’activité de cette enzyme, ce qui serait une approche antivirale clef. En intensifiant les efforts de recherche coordonnés avec les organisations de recherche contractuelles, ils espèrent arriver à un médicament candidat efficace contre le COVID-19 dans quelques mois, soit bien plus rapidement que la découverte classique d’un médicament.
Le groupe international a déjà identifié 78 molécules pouvant servir de base à un nouveau médicament et 37 d’entre elles viennent du laboratoire du docteur London. A présent, il faut trouver le moyen d’optimiser ces composés et de générer un médicament. Pour y parvenir, les chimistes médicaux doivent compter sur des experts en conception et en informatique de la chimie afin de diminuer le champ des possibilités.
3.2-Tester des médicaments existants et stopper les dommages causés aux poumons et les autres tissus
Dans le cas du coronavirus, la moitié des dommages situés au niveau des poumons et des tissus vitaux n’est pas directement provoquée par le virus mais, paradoxalement, par le corps lui-même quand il essaie de se soigner. En fait, quand une infection par coronavirus atteint les branches périphériques de l’appareil respiratoire et des tissus des poumons, il ne se limite pas à des dommages similaires à une pneumonie, il peut également entraîner des dommages secondaires en stimulant le système immunitaire afin de détruire tout ce qui se présente – les cellules infectées par le virus tout comme les tissus sains.
Le professeur Irit Sagi (département de régulation biologique) et son équipe développent un moyen non seulement de prévenir l’infection primaire au SARS-CoV-2 mais aussi de stopper et d’inverser les dommages secondaires causés aux poumons par la réponse trop forte du système immunitaire. Le professeur Sagi propose de tester l’efficacité de nouveaux médicaments inhibiteurs biologiques très sélectifs afin de réduire l’entrée virale et de protéger les tissus pulmonaires des dommages causés par le SARS-CoV-2 et les infections associées. Plus précisément, grâce à une collaboration récente entre des experts en maladies infectieuses de l’Institut pour la recherche biologique israélien, elle voudrait :
En premier lieu, tester l’impact de l’utilisation de médicaments hautement sélectifs – développés par son équipe ces 15 dernières années qui ont montré une très haute efficacité en tant qu’agents thérapeutiques dans des maladies infectieuses d’origine virale comme dans le cas de nombreuses autres maladies endommageant les tissus (comme les inflammations et les cancers) sur des modèles d’animaux vivants.
En second lieu, étudier de façon plus approfondie les mécanismes moléculaires par lesquels ces médicaments traitent les principaux facteurs tissulaires menant à des résultats thérapeutiques et à une protection contre le sepsis et la défaillance d’organes. Le professeur Sagi pense que cette étude mènera à la conception et la production de la nouvelle génération de médicaments hautement spécifiques qui permettront à notre société de gérer les maladies infectieuses dévastatrices comme le COVID-19.
3.3-Inhiber la liaison du SARS-CoV-2 avec les cellules saines
Le professeur Gideon Schreiber (département des sciences biomoléculaires) et son équipe étudient les principes physico-chimiques de base qui gouvernent la cinétique, la thermodynamique et les spécificités des interactions protéines-protéines. Le laboratoire du professeur Schreiber est en première ligne dans les efforts de recherche pour produire des inhibiteurs efficaces qui empêcheraient le SARS-CoV-2 de se lier aux cellules saines. Plus précisément, ils cherchent à créer un leurre qui tromperait le virus de façon efficace le faisant se lier à une zone d’où il ne pourrait pas pénétrer dans une cellule.
Optimiser ce domaine leurre implique l’augmentation de la stabilité des protéines leurres et l’amélioration de la force de liaison. Ainsi, une fois qu’une protéine S s’y est liée, elle ne peut plus s’en défaire. Ce travail – effectué actuellement sur des levures mais dans le but d’aller jusqu’aux cellules humaines – est mené grâce au Centre Dana et Yossie Hollander pour la protéomique structurale qui fait partie des installations centrales des sciences de la vie de l’Institut. Une fois que les inhibiteurs auront été optimisés chez les levures, des collaborations cliniques plus poussées seront nécessaires afin de tester leur efficacité sur le SARS-CoV-2.
3.4-Pourquoi les personnes âgées sont-elles plus vulnérables ?
Pourquoi les personnes âgées sont-elles plus vulnérables et plus sévèrement affectées par l’infection au SARS-CoV-2 ? Le professeur Valery Krizhanovsky (département de biologie cellulaire et moléculaire) a émis l’hypothèse que la présence en plus grand nombre de cellules sénescentes – les cellules qui ont perdu leur capacité de division – dans leurs poumons serait un des facteurs.
Le professeur Krizhanovsky a également des données qui suggèrent que les cellules épithéliales sénescentes des poumons peuvent échapper à la clairance immunitaire à cause de la surrégulation des molécules immunitaires inhibitrices (clairance immunitaire : diminution de la réplication virale et augmentation de la réponse immunitaire). Ainsi, il voudrait voir si de telles cellules sont capables d’être des hôtes du SARS-CoV-2 sans être éliminées par le système immunitaire du corps. Il voudrait également utiliser des médicaments conçus pour tuer les cellules sénescentes dans le but de réduire la présence de cellules contaminées, menant ainsi à une réduction de la charge virale.
3.5-Inhiber l’infection avec des pseudo-protéines
Le docteur Ori Avinoam du département des sciences biomoléculaires cherche à comprendre le remodelage de la membrane à l’échelle moléculaire et son rôle dans la santé et la maladie. Il se concentre actuellement sur les protéines de la membrane qui composent l’enveloppe virale du SARS-CoV-2 via « pseudotypage ». Le pseudotypage est une technique permettant de substituer la protéine virale responsable de la fusion de l’enveloppe virale avec celle des cellules hôtes par une autre protéine virale similaire. De cette façon, le docteur Avinoam est capable de sélectionner les inhibiteurs qui bloquent l’activité infectieuse du virus. En ayant accès au SARS-CoV-2, le docteur Avinoam voudrait tester la capacité de ses techniques de pseudotypage afin d’inhiber l’infection des cellules de la paroi pulmonaire et des voies respiratoires.
3.6-De petites molécules antivirales
Ce projet se concentre sur de petites molécules générées par des bactéries, qui pourraient aider à combattre le SARS-CoV-2. En utilisant des outils précis de conception génomiques CRISPR-Cas, le professeur Rotem Sorek et son équipe recherchent les interactions entre les bactéries et les virus qui les infectent. Récemment, ils ont découvert que certaines petites molécules produites par des bactéries pourraient aider à combattre des infections virales.
Ainsi, le professeur Sorek estime qu’il y a de fortes raisons de croire que ces molécules pourraient être utilisées comme des médicaments antiviraux chez les humains. Il a publié un article sur ses découvertes dans Nature, et Yeda Research and Development Company a déposé un brevet sur ces molécules pour qu’une autre entreprise en biotechnologies les teste sur un ensemble de virus dont le SARS-CoV-2. Le professeur Sorek cherche actuellement de nouvelles molécules antivirales produites par les bactéries.
3.7- Détourner des médicaments anti tumoraux
Le docteur Ayelet Erez du département de régulation biologique, est une généticienne et médecin qui travaille en tant que conseillère médicale pour des familles atteintes de cancer génétiques ; elle dirige également un laboratoire à l’Institut Weizmann. Elle étudie une condition pédiatrique appelée citrullinémie de type II ; les patients qui en sont atteints n’ont pas le gène codant pour une protéine appelée citrine.
Le docteur Erez et son équipe ont découvert que cette protéine influence la division cellulaire : une déficience entraîne un faible taux de division cellulaire alors que les cellules cancéreuses en contiennent plus que normal. Ils ont ensuite réalisé que la citrine pourrait être une cible potentielle pour des thérapies anti-cancers par blocage chimique de cette protéine – via de petites molécules – qui pourrait interrompre le cycle métabolique suractivé du cancer et restreindre sa croissance. Puisque le SARS-CoV-2 a un taux de réplication élevé similaire à celui trouvé dans les tumeurs métastasées, le docteur Erez a émis l’hypothèse que cette petite molécule pourrait aussi être réutilisée efficacement pour combattre ce virus. Elle a d’ailleurs déjà débuté des travaux préliminaires afin d’évaluer cette possibilité.
Pendant de nombreuses années, le laboratoire du professeur Yosef Shaul du département de génétique moléculaire a étudié les interactions virus-cellule hôte, en se concentrant particulièrement sur le virus de l’hépatite B (VHB). Ces recherches ont permis de faire des découvertes sur les mécanismes moléculaires qui orchestrent le processus de prise de décision cellulaire et ont montré comment le VHB, avec son contenu génétique limité, peut envahir les cellules et occuper la machinerie cellulaire vitale de son hôte. En étudiant ce virus, il a développé un vaccin très efficace – approuvé par la U.S. Food and Drug Administration. Il prévoit maintenant de réutiliser l’un de ses composés anti-VHB pour inhiber l’infection au SARS-CoV-2.
3.8 – Hydrochloroquine et Sars-Cov-2
Le professeur Gershom Martin, du département de chimie organique est informaticien chimiste et développe et utilise des méthodes de chimie quantique informatique dans le but de prédire les propriétés de molécules inconnues et le résultat de nouvelles réactions.
Le professeur Martin entend découvrir ce qui rend efficace l’hydroxychloroquine dans le cas du COVID-19 – et en particulier le rôle des composés de la membrane cellulaire qui aident à transférer les ions zinc dans la cellule (les ionophores). Le zinc est connu pour interférer avec la réplication génétique virale, ainsi, découvrir des ionophores à zinc plus efficaces pourrait être une importante piste d’étude.
4- IMAGER LES POUMONS
Les poumons sont la première ligne de défense contre les infections bactériennes et virales et contre la pollution inhalée. Chaque année, les maladies respiratoires et celles associées aux poumons provoquent près d’un tiers des décès dans le monde. De nombreuses études épidémiologiques indiquent une corrélation étroite entre l’exposition à des polluants environnementaux, en particulier les particules provenant de feux, de voitures et d’émissions industrielles et différentes maladies inflammatoires et troubles du développement des poumons. De plus, de nombreuses maladies infectieuses contagieuses, comme la grippe et la rougeole – et vraisemblablement le COVID-19 – sont contractées par inhalation.
Un patient atteint du COVID-19 sur sept développe des difficultés respiratoires et d’autres complications sévères. 6% des patients deviennent critiques – leurs systèmes respiratoire et vitaux commencent à défaillir et ils peuvent développer un choc septique. Notre capacité à imager les poumons avec précision afin de diagnostiquer les maladies virales comme le COVID-19 pourrait permettre de révéler l’étendue de la « propagation silencieuse » de la maladie, ce qui à son tour améliorerait les procédures de quarantaine et accélérerait les interventions précoces.
Les recherches du professeur Neeman se concentrent sur les mécanismes qui régulent l’angiogenèse, le processus au cours duquel de nouveaux vaisseaux sanguins se forment. Le professeur Eldar est spécialisée dans le développement d’algorithmes de traitement du signal et dans la représentation et la transmission d’informations en utilisant des techniques mathématiques avancées.
Le professeur Neeman, du département de régulation biologique, et le professeur Yonina Eldar du département informatique et mathématiques appliquées, voudraient regrouper leurs expertises afin d’améliorer les techniques d’imagerie et d’analyses des poumons. Ils souhaitent être connectés aux hôpitaux pour obtenir des clichés de poumons (ultrasons, tomodensitométrie, IRM) venant de patients. L’analyse poussée de ces clichés pourrait aider au diagnostic et constituer un complément important aux essais cliniques de thérapies contre le COVID-19.