05 Mar CEST la vie : des aimants de haute intensité améliorent la Détection Précoce du Cancer chez les Rats
Cette méthode a dévoilé des ruptures tissulaires indétectables autrement.
Le cerveau d’un rat présentant des cellules de glioblastome. En faisant une IRM utilisant la méthode CEST (à droite), le tissu cérébral atteint par le glioblastome (en turquoise) se distingue clairement du tissu sain (en bleu) ; cette différence n’est pas visible avec une simple IRM (à gauche).
Beaucoup des composés biologiques du cerveau et du corps sont présents dans de très faibles concentrations et ne peuvent donc être « vus » par imagerie à résonance magnétique (IRM). Des chercheurs de l’Institut Weizmann des Sciences, en collaboration avec des scientifiques du National High Magnetic Field Laboratory (Floride, USA), ont montré que certains de ces composés peuvent être visualisés indirectement avec l’IRM – en mesurant leurs interactions avec l’eau qui les entoure. En utilisant des champs magnétiques puissants, cette approche pourrait fournir des informations sans précédent sur certains aspects du métabolisme cérébral : par exemple la façon dont les cellules du cerveau absorbent le glucose. Ceci pourrait aussi conduire à une amélioration de l’imagerie diagnostique du cerveau et d’autres organes.
L’IRM classique permet l’imagerie de tissus vivants en les plaçant à l’intérieur d’un champ magnétique statique et en mesurant les fréquences oscillatoires des atomes des tissus – en général les atomes d’hydrogène. Une des méthodes proposées pour améliorer la sensibilité de l’IRM afin que des composés chimiques en faible concentration (les métabolites) soient détectés est appelée Chemical Exchange Saturation Transfer – transfert de saturation par échange chimique – , ou C.E.S.T. Le CEST repose sur le suivi des atomes d’hydrogène labiles – c’est-à-dire les atomes capables de briser leurs liaisons avec leur molécule d’origine (dans ce cas, avec un métabolite donné) – et reconstruire des liaisons avec les molécules d’eau environnantes. De tels échanges ont lieu en permanence à un rythme effréné, des milliers de fois par seconde. Puisque l’eau, le constituant majoritaire de notre corps, est plus abondante que les métabolites, suivre les nouvelles liaisons qui s’accumulent dans l’eau suite à ces échanges peut potentiellement mener à une « signature » de résonance magnétique hautement amplifiée de l’hydrogène labile – et par extension, des métabolites. Ainsi, le CEST peut créer des signaux pour ces métabolites rares bien plus forts que ceux issus de l’observation directe.
Cependant, le CEST a une efficacité limitée quand il est utilisé avec des systèmes d’IRM opérant à 3 Tesla, la force de champ magnétique la plus commune utilisée dans les hôpitaux et les cliniques. Dans une étude récemment publiée et faisant la une de NMR in Biomedicine, des chercheurs ont montré que cette méthode prometteuse fonctionnait beaucoup mieux avec des champs magnétiques plus forts.
Afin d’explorer les apports de l’utilisation de tels champs magnétiques, le professeur Lucio Frydman et le postdoctorant Tangi Roussel, du département de Physique Biologique et Chimique de l’Institut Weizmann des Sciences, ont collaboré avec le professeur Samuel Grand et le docteur Jens Rosenberg du National High Magnetic Field Laboratory à Talahassee (Floride) où se situe l’aimant IRM le plus puissant du monde opérant à 21 Tesla. En utilisant cet aimant – qui est actuellement utilisé uniquement dans la recherche sur les animaux – les scientifiques ont découvert que les signatures CEST augmentaient avec le carré de la force du champ magnétique. Par exemple en doublant la force du champ magnétique, on quadruple la signature CEST.
Les chercheurs ont montré que chez les rats, la méthode était efficace pour visualiser les changements métaboliques produits par le cancer du cerveau, aidant ainsi à détecter les cellules d’une tumeur de glioblastome. Le CEST permet non seulement de détecter les changements dans les cellules de la tumeur cérébrale mais aussi les ruptures d’intégrité des tissus provoquées par le cancer. Le glioblastome ne détruit pas immédiatement le tissu cérébral mais il altère sa consistance, le rendant plus « aqueux » qu’en temps normal. De tels changements étaient rarement vus en IRM classique mais sont devenus clairement visibles avec l’aide du CEST.
Lorsqu’on pourra utiliser des aimants plus puissants en imagerie humaine, il sera peut-être possible dans un futur proche d’utiliser le CEST pour aider à diagnostiquer les glioblastomes chez les patients. Les scientifiques de l’Institut Weizmann vont utiliser les deux nouveaux aimants récemment installés à l’Institut – un aimant de 7 Tesla pour les humains et 15,2 Tesla pour les animaux – pour étudier d’autres cancers et en particulier essayer de détecter les tumeurs peu développées, jusqu’ici invisibles en IRM classique. Le CEST à très haut champ magnétique peut aussi être utilisé pour détecter et diagnostiquer d’autres maladies, notamment celles caractérisées par une dégénérescence neuronale.
Les recherches du professeur Lucio Frydman sont financées par l’Institut pour la Recherche en Résonance Magnétique Helen et Martin Kimmel, l’Institut Clore pour l’Imagerie et la Spectroscopie à Haut Champ de Résonance Magnétique, l’Institut Katz pour la Recherche en Résonance Magnétique et Science des Matériaux, le Centre pour la Chimie Physique Fritz Haber ; l’Institution Caritative Leona M. et Harry B. Helmsley, la Fondation Adelis, le Fonds de dotation du Dr Dvora et Haim Teitelbaum, la Fiducie familiale Comisaroff, la Fondation de la famille Emil et Rita Weissfeld, Salomon Finvarb et le Conseil européen pour la Recherche.
Le professeur Frydman est détenteur de la Chaire Professorale Bertha et Isadore Gudelsky.